Les halls d’hôtels ne sont pas là pour gens oisifs
En 1880, Sorel vit un étonnant problème. Les jeunes de l’endroit occupent le hall des hôtels pour y flâner, s’y chauffer. Le chroniqueur du bi-hebdomadaire Le Sorelois est mécontent et ne manque pas de dénoncer ce fait le 23 novembre.
Un peu de critique, avant d’aller plus loin sur la manière dont certaines gens considèrent un hôtel. Un hôtel, quoiqu’en pense un vain peuple, n’est pas un lieu de réunion proprement dit, c’est un lieu de passage. Les voyageurs s’y arrêtent une journée ou deux, rarement plus et ils s’en retournent chez eux.
Les hommes d’affaires de la localité entrent et sortent aussitôt que ce qui les avait attirés là est terminé; tout un chacun, avant son repas, va prendre son bitters. Mais, suivant moi, personne ne doit y élire domicile d’une manière permanente.
D’où vient donc que si, par hazard ou par affaires, vous entrez dans un hôtel de Sorel, vous apercevez dans la grande salle de la maison une foule de personnes qui sont là à ne rien faire et prennent la place des voyageurs ? Combien de fois avons-nous vu de ces derniers être obligés de rester debout, pendant qu’une vingtaine de jeunes gens de la ville, n’ayant rien de mieux à faire, étaient assis sur les chaises et trônaient indolemment autour de la fournaise et chauffant leurs pauvres orteils.
Cet état de choses est intolérable. Tout le monde s’en plaint : mais il y a si peu de gens qui savent tenir leur place ! Tout en étant parfait honnête homme, on peut et on doit savoir qu’un hôtel n’est pas un lieu public où tout le monde a droit de demeurer gratis.
Si Messieurs les hôteliers de Sorel voulaient m’en croire, ils tâcheraient de mettre ordre à cet état de choses qui nuit grandement au crédit de nos hôtels. Quand un étranger arrive dans une de ces maisons et qu’il la voit remplie d’une foule de jeunes gens qui sont là à mener un vacarme d’enfer, il est bientôt pris de dégoût.
Loin de moi a pensée de vouloir dire que l’on ne peut jamais entrer dans on hôtel sans que l’on n’y ait strictement affaire. Non, mais je voudrais qu’on chassât tous les……loafers. Voilà le mot lâché et je ne retire pas l’expression. Elle résume ma pensée d’une manière parfaite.
L’illustration nous montre le comptoir d’enregistrement de l’hôtel Clarendon à Québec, au coin des rues Sainte-Anne et des Jardins.