Siècle païen que le nôtre !
Si l’on connaît un arbre par les fruits qu’il produit, il sera difficile de trouver un siècle plus gâté que le nôtre.
Les siècles païens n’ont rien fourni de plus sale en littérature que les romans de nos jours; on n’a plus l’ombre du respect pour les lecteurs; il semble qu’on veuille prendre la société pour un immense crachoir, où toutes les poitrines malades peuvent expectorer leurs purulentes matières. Sur cent romans publiés, c’est à peine si on en rencontre dix qui ne sentent pas les mauvais lieux. Presque tous sont des tableaux de scènes d’amours déshonnêtes et de crimes révoltants.
Quand ils ne sont pas tout à fait immoraux, ils sont la plupart du temps insignifiants et bêtes, revêtus d’une forme qui vaut le fond et c’est ce salmigondis insignifiant que notre jeunesse est exposée à se nourrir. Hélas ! saturées de ces aliments malsains, quelles forces peut-on espérer des intelligences ?
L’esprit se forme comme le corps avec un bon régime et une nourriture saine. Sans cela, les meilleures santés se débilitent. […]
Faudra-t-il s’étonner ensuite si les intelligences s’obscurcissent, et si l’idée du bien s’en va. Chose digne de remarque et qui nous prouve amplement que notre siècle ne vaut pas les siècles passés, quoiqu’on en dise, c’est que malgré la passion pour la lecture, très peu de personnes peuvent lire des choses sérieuses. Les ouvrages scientifiques, philosophiques et théologiques qui faisaient les délices des savants au moyen-âge dépassent tellement aujourd’hui la portée des intelligences qu’on peut à peine les comprendre, et pourtant ces savants autrefois écrivaient et parlaient pour leurs semblables, et ils étaient lus et compris.
Dans notre siècle, on vit de bagatelles, et tout ce qui dépasse la bagatelle écrase l’esprit, parce qu’on le détériore dans des lectures frivoles et malsaines.
Un homme honnête et sérieux qui rencontre par hasard un mauvais roman ne peut pas comprendre qu’on s’habitue à respirer un tel atmosphère, car, au fond, c’est stupide, bête, et d’une bêtise uniforme, puisque c’est toujours la même passion qu’on flatte; en dix lignes, on peut résumer les mauvais romans : c’est l’histoire d’un sale personnage qu’on parfume et revêt de beaux habits.
Source : L’Étoile du Nord, 11 novembre 1886.
Nous sommes rendus bien bas depuis 1886 alors ! Tout s’écrit de nos jours, la censure n’existe plus. Plusieurs de nous en redemandent, les bassesses ont-elles touché le fin fond du dégoût ? Je me le demande ainsi qu’à vous Jean ? On dit autre temps autre mœurs… L’Homme s’enlise au lieu de s’élever, pourquoi ? Heureusement il existe des gens comme vous pour saisir la beauté du lieu, pour nous ouvrir les yeux sur l’essentiel.
Bonne fin d’automne à vous et à tous vos lecteurs et lectrices.
Merci, merci, chère Nicole. Moi, je demeure prudent, car je crois qu’à toutes les époques, on a cru qu’on s’en allait chez le diable.