Chants de l’innocence
William Blake est un peintre anglais, qui s’est surtout consacré à la poésie. Né à Londres en 1757, il y demeurera toute sa vie jusqu’à son décès en 1827. En France, Aubier-Flammarion a publié en 1972 une édition bilingue de ses poèmes intitulée simplement Poèmes.
M. L. Cazamian, qui a traduit les textes en français et les présente, écrit au sujet de ce prodigieux autodidacte : «Réduit presque entièrement aux horizons de Londres et aux dehors déprimants de la pauvreté, il se créa un monde plein de prodiges, de poésie et de couleur; il vécut illuminé, parmi ses visions. Ses poèmes sont souvent confus, incohérents et démesurés, bien qu’il ait constamment montré le jugement le plus sain, et parfois beaucoup de vigueur critique; ils sont comparables aux grandes théogonies anciennes, nourris des traditions les plus lointaines, et cependant traversés d’intuitions qui font de lui un précurseur; pour l’interpréter, il faut évoquer le passé le plus reculé, comme les plus aventureuses spéculations modernes.»
Le premier travail poétique de Blake s’intitule Chants de l’innocence et fut publié en 1789. Cazamian le commente ainsi : «Nulle part les trois arts : poésie, peinture, musique, ne sont plus étroitement fondus; chaque page est un petit miracle d’invention — entrelacs, feuilles et fleurs, oiseaux et papillons, enfants et animaux, figures ailées, anges, lutins ou fées environnent le texte, se glissent entre les lignes et s’associent si étroitement aux lettres manuscrites qu’on pense invinciblement à ces écritures idéographiques dans lesquelles le sens est directement suggéré par les images visuelles.»
Extraits de l’édition d’Aubier-Flammarion, voici de ces Chants de l’innocence deux textes. D’abord Introduction :
Jouant du pipeau le long des vallées agrestes,
Jouant des airs doux et joyeux,
Sur un nuage je vis un enfant,
Et lui, riant me dit :
« Joue un air sur un agneau ! »
Et je jouai plein d’allègre gaieté.
« Sur ton pipeau, joue encore cet air »;
Ainsi je fis : m’entendant, il pleura.
« Jette ton pipeau, ton joyeux pipeau,
Chante tes airs pleins d’allègre gaieté. »
Et je chantai le même air
Tandis que, m’entendant, de joie il pleurait.
« Joueur de pipeau, assieds-toi et écris
Dans un livre, que tous puissent lire. »
Alors il s’évanouit à ma vue.
Je cueillis un roseau creux,
Et m’en fis une plume rustique,
Je colorai l’eau limpide,
Et j’écrivis mes chants heureux
Afin que tout enfant ait joie à les entendre.
* * *
Et Chant de nourrice :
Quand résonnent les voix des enfants sur la prairie
Et leur rire sur la colline,
Mon cœur est en repos au dedans de moi
Et le reste du monde fait silence.
« Allons, rentrez, enfants, le soleil est couché
Et la rosée nocturne se lève;
Allons, allons, quittez vos jeux, partons
Jusqu’à ce que le matin paraisse au ciel. »
« Non, non, laisse-nous jouer, car on y voit encore
Et nous ne pouvons nous endormir;
D’ailleurs au ciel les oiselets volent
Et les collines sont couvertes de moutons. »
« Eh bien, jouez jusqu’à ce que le jour tombe
Et alors rentrez vous coucher. »
Les petits se mirent à bondir, crier et rire,
Éveillant des échos de toutes les collines.
Ci-haut : le Petit Prince. Photographie d’Emmanuelle Provencher.
Merci infiniment, mon cher Jean!
Je reste sans voix à écouter cet enfant…
Merci beaucoup, chère Melinda ! Cet enfant m’est bien précieux.