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Au sujet de la violette

Le 11 juillet 1903, d’abord, L’Album universel propose un texte sur la violette.

La violette est l’emblème de la jeunesse, de la beauté, de la modestie, de l’amabilité, de la générosité. Elle se cache timidement sous l’herbe, ne révélant sa présence que par un parfum suave dont elle nous enivre : telle la jeune fille, la joie de la famille et le bonheur du foyer. C’est la fleur du riche et du pauvre; elle répand ses douces senteurs dans les palais et les chaumières, elle orne le corsage de l’ouvrière et de la grande dame.

Marie-Antoinette mit la violette à la mode. Mais déjà la violette, au dix-huitième siècle, et depuis cent ans, se vendait en petits bouquets dans les rues de Paris. Les chercheurs d’herbes médicinales la cueillaient dans les bois qui entourent la capitale, Meudon, Vincennes, Boulogne, Verrières.

Vers 1750, des horticulteurs eurent l’idée de cultiver la fleur dans les environs de Paris, petits plants presque sauvages; mais à force de soins, on obtint des variétés charmantes, sans faire oublier jamais la violette des bois, ce type parfait du genre. […]

On a connu la violette de toute antiquité. Les anciens la vénéraient, lui donnaient une origine merveilleuse à cause de son nom grec «ion». Jupiter l’a fait naître dans les champs où errait la nymphe Io, métamorphosée en vache, afin qu’elle trouvât une pâture digne d’elle, disaient les uns. Elle a paru et fleuri spontanément en Ionie, disaient les autres, et une nymphe l’offrit au maître des dieux voyageant en ce pays, comme la plus belle et la plus charmante des fleurs.

Les Athéniens prétendaient descendre des Ioniens; aussi, la violette, la fleur de la mère-patrie était-elle chez eux en grande vénération. Ils en paraient leurs maisons, le berceau du nouveau-né, la tombe de la jeune fille; ils en faisaient des couronnes pour les festins. Un helléniste de nos jours explique ce mot «ion» : venir, arriver, se montrer; la violette, c’est le fleur qui vient, qui arrive tôt, au printemps.

De notre temps, la culture de la violette prit de grandes proportions dans les environs de Paris, surtout à Fresnes-les-Rungis. En 1836, Jean Chevillon obtint à Fontenay-aux-Roses la violette des Quatre-Saisons. Tous les jardiniers se lancèrent avec frénésie dans la culture de cette variété. L’un d’eux organisa jusqu’à 1,800 châssis. On vendait si bien la fleur, accessible à toutes les bourses, de petits bouquets de deux sous, cinq sous, dix sous, et ces bouquets ornaient la table de famille, la tables des festins, les salles, salons et boudoirs.

 

Selon l’ouvrage Flore laurentienne du Frère Marie-Victorin, on retrouve 26 espèces de violettes au Québec, certaines à floraison printanière, d’autres à floraison généralement estivale. Et qui sait que parmi les espèces de violettes québécoises se trouve la Pensée (Pansy), la Violette tricolore ?  «Cette espèce, introduites dans les jardins d’Angleterre, en 1813, a donné naissance à toutes les variétés de Pensées cultivées. Dans la majorité des cas, ces races sont bien fixées. Bien qu’extrêmement diversifiées au point de vue de la coloration, ces variétés retiennent un caractère inaltérable : le centre de la fleur est toujours jaune. Tant qu’elles sont cultivées, elles conservent bien leurs caractères raciaux, mais, échappées de culture, elles les perdent vite et la fleur diminue de taille. […] Le nom populaire Pensée existait en France dès 1541, ainsi que l’attestent des documents de l’époque.»

Par ailleurs, au sujet de la violette, la grande écrivaine brésilienne Clarice Lispector écrit dans Agua viva (Éditions des Femmes, 1980) : La violette est introvertie et son introspection est profonde. On dit qu’elle se cache par modestie. Non. Elle se cache pour pouvoir capter son propre secret. Son presque-non-parfum est une gloire étouffée, mais elle exige qu’on le cherche. Elle ne crie jamais son parfum. La violette dit des légèretés qui ne peuvent pas se dire.

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