Un autre tremblement de terre
À tourner les pages des journaux, on se rend compte, décidément, que les tremblements de terre sont fréquents au Québec. En voici un nouveau le 23 mars 1897. Le lendemain, le journal montréalais La Patrie en fait sa une sous le titre «Le tremblement de terre d’hier. La secousse a duré dix secondes. Panique générale dans toute la ville».
Vers six heures et sept minutes (temps officiel) hier après-midi, toute la population de Montréal, riche comme pauvre, a ressenti un choc terrible de tremblement de terre. Il faut dire que la magnifique température d’hier, journée ensoleillée de printemps, avait été loin de nous laisser entrevoir ce dénouement de soleil couché. On a en effet toujours remarqué que dans notre pays la température devient pesante, fatigante, oppressante quand un tremblement de terre doit avoir lieu.
Les personnes, qui travaillaient dans les grandes manufactures et qui s’apprêtaient justement à partir, crurent à une explosion de chaudière, ou quelque chose des machines s‘était brisé et tombait d’étage en étage. […]
La secousse a été ressentie par toute la ville et, d’après nos renseignements, elle a été aussi forte dans la partie élevée de la ville.
Ceux qui étaient dans la rue au moment de la terrible secousse remarquèrent que les maisons et les bâtiments tremblaient et furent sérieusement secoués pendant quelques secondes.
À l’hôtel Windsor, on crut d’abord à une explosion qui venait d’arriver dans la rue, qu’une des chaudières avait éclaté, qu’un accident venait d’arriver à l’ascenseur, etc.
Dans un autre hôtel du bas de la ville, une véritable panique s’empara des pensionnaires qui étaient à prendre leur souper.
Dans nombre de maisons, la secousse a été assez forte pour fendiller les murs en plusieurs endroits; on signale de grands morceaux de plafonds qui sont tombés. […]
Dans quelques maisons privées, la vaisselle et la verrerie allèrent s’émietter sur le plancher.
Quelques employés qui étaient à travailler à l’hôtel de ville crurent un moment que toute la partie ouest de la bâtisse municipale venait de s’écrouler.
Un monsieur de la rue Bleury qui était tranquillement assis chez lui, à lire son journal, en vint à la conclusion qu’une voiture de la compagnie des tramways venait de frapper sa maison.
Sur la rue Cherrier, une cheminée en brique fut précipitée dans la rue; heureusement que personne ne passait à ce moment.
Le constable O’Connor rapporte qu’il était de faction près du marché Bonsecours et que tous les bouchers et marchands sortirent précipitamment, croyant que les vieux murs historiques de la construction allaient les ensevelir à tout jamais sous leurs débris. […]
St-Lin, Qué. La secousse ici a duré huit à dix secondes. Bruit venant du nord et se dirigeant vers le sud. C’est là un signe avant-coureur de la superbe culbute que va prendre dans notre comté le député actuel, M. Marion, futur candidat conservateur aux élections du mois de mai prochain.
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Et puis, quatre jours plus tard, voilà une nouvelle secousse. Dans la nuit cette fois-ci. La Patrie du 27 mars y revient.
Encore un tremblement de terre, nocturne cette fois, ce qui n’en change pas matériellement la nature.
Il était minuit et quatre minutes (temps de McGill) quand tout à coup, suivant l’acoustique des chambres à coucher occupées à ce moment par la population montréalaise, on entendit ou un coup de tonnerre, ou une explosion de bouilloire, ou un effondrement de toiture ou encore un roulement comme celui qui résulte du passage d’une voiture lancée à toute vitesse sur l’asphalte de nos rues l’été.
Simple tremblement de terre que tout cela. Que de bons bourgeois abrillés jusqu’au cou, de leurs couvertures de laine, n’en ont même pas eu connaissance. Et dire que c’est comme ça, probablement, que s’annoncera la fin du monde.
Dans cet ordre d’idées, une bonne commère qui attendait le tramway, coin de rue St-Jacques et de la Côte St-Lambert, disait aux curieux groupés autour d’elle : «Vous verrez que ça finira mal. Ça a été prédit que Québec périrait par le feu et Montréal par l’eau, encore quelques tremblements de terre comme celui de la nuit dernière et la ville va s’engloutir dans l’eau. Ah ! Mon Dieu ! C’est-y possible !….»
La tranquillité de la nuit a été cause probablement que la secousse ou plutôt le bruit aura semblé à tous plus fort que celui du tremblement de terre de mardi dernier. Il ne semble pas en être résulté de dommages.