Lire l’avenir dans une boule
Faut-il attacher foi aux voyants ? En trouve-t-on qui disposent d’une vraie belle boule, translucide, plus parlante que d’autres ? La mienne n’est guère bavarde. Mais apparence qu’il y en a un à Montréal qui lui l’a la boule, la vraie, la loquace. L’Étoile du Nord de Joliette, du 20 mars 1890, raconte. L’article s’intitule «L’avenir est dévoilé. Prédiction d’un clairvoyant».
On parle beaucoup en ce moment du clairvoyant de la rue Shaw, Montréal, dont la maison portant le No 245 reçoit de nombreux visiteurs, et qui est en train de devenir très populaire dans les campagnes aux environs de Ste-Philomène.
Il y a plusieurs semaines, M. Crompe, de Saint-Isidore, allait trouver le clairvoyant pour en obtenir un renseignement quelconque.
Le clairvoyant commença par lui dire : «Vous demeurez à la campagne, et sur votre terre, je vois une élévation de terre et de sable. Dans le côteau, il y a une fortune, une mine d’une richesse considérable, extraordinaire.
Vous creuserez ce côteau à une profondeur de 10 à 12 pieds [environ 3,5 mètres]. Et, arrivé à cette profondeur, vous trouverez une pierre, une grosse pierre qui sera précieuse.
Vous continuerez à creuser à une profondeur de 56 à 60 pieds. Et là vous trouverez la fortune, la richesse, l’or.
On peut se faire facilement une idée de l’étonnement de M. Crompe.
Sans perdre de temps, il retourna chez lui et se mit en mesure de creuser son terrain à l’endroit indiqué. Il s’adressa à des ingénieurs topographes de Montréal, et les fouilles commencèrent.
À 11 ½ pieds, on trouva la grosse pierre annoncée par le clairvoyant comme devant se trouver à une profondeur de 10 à 12 pieds.
Grande joie du propriétaire du terrain. On travaille avec ardeur sur une étendue de douze pieds carrés. Malheureusement, la hâte d’arriver à la fortune fait négliger quelques précautions indispensables.
À un beau moment, il se produit un éboulement qui faillit coûter la vie aux ouvriers qui travaillent dans la mine. Ils parviennent cependant à s’en tirer sans trop de mal, et l’on se remit immédiatement à l’œuvre, en prenant soin, cette fois, de se protéger contre le danger d’un nouvel éboulement.
L’histoire de cette fortune considérable — en perspective — ne tarda pas à faire le tour des paroisses aux alentours de Saint-Isidore. La mine — déjà célèbre — fait le sujet de toutes les conversations; elle sert de but de promenade plus ou moins intéressée.
Toujours est-il que le minerai examiné par M. Reed, qui pendant 28 années a vécu en Californie au milieu des mineurs et qui connaît les terrains, dit que la nature du sol à la profondeur où en sont rendues les fouilles, est identique à celle des terrains californiens.
On nous dit également que le père du clairvoyant est allé visiter les travaux.
Voilà une découverte qui vaudra au clairvoyant de nombreuses visites, n’en doutez pas. Les plus sceptiques le consulteront — par exemple, ils ne s’en vanteront pas.
Mais L’Étoile du Nord ne mentionne absolument pas qu’on a finalement trouvé à cet endroit une fortune en minerai ! Dans les semaines qui suivent, non plus. Qu’est-il advenu de toute cette histoire ?
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