La dame chic pour l’hiver
Et cet hiver, que portera-t- on, mesdames ? La Gazette de Joliette du 19 novembre 1891 vous l’annonce.
Les étoffes et les formes nouvelles commencent à se montrer. Le frileux hiver nous apparaît avec son cortège de fourrures, de velours et de draperies. Les étoffes gaufrées, les rayures, les velours de chasse seront, je crois, les grandes lignes de la saison, le velours de chasse est peu coûteux, fort seyant et commode à porter.
Voici un costume fort remarqué : jupe étroite légèrement à traîne en velours côtelé — corsage à basque devant croisé, gros bouton de métal; jaquette semblable ouverte, manches très épaulées, capote pareille avec aigrette noire et grise.
Costume de deuil en drap de dame; jupe longue à traîne rapportée garnie de trois bandes de crêpe hautes de dix centimètres, corsage tailleur revers de crêpe, mante victoria pareille à la robe garnie d’un nœud de crêpe.
La redingote reprendra quelque peu sa place parmi les nouveautés de l’hiver. Elles se feront en petit drap de couleur, gris, bleu, vert, le vert surtout sera la note dominante; il se fera dans tous les tons et tous les tissus; déjà quelques-unes de ces redingotes sont apparues garnies de fourrures et de brandebourgs.
Pour les femmes un peu fortes et qui ne sont plus jeunes filles, le costume de drap noir, de serge ou de vigogne est fort joli.
Voici un modèle en drap noir : jupe à petite traîne très collante, corsage tailleur, basques demi-longues garnies d’un dépassé d’astrakan, manches très épaulées, jaquette pareille, avec revers et col garni d’astrakan. En voici un autre en drap marron, jupe à traîne garnie dans le bas à deux centimètres au-dessus de l’ourlet d’un galon trame d’or et noir avec dépassement en chinchilla, jaquette semblable, garnie de cette même fourrure, capote Marie Antoinette en drap garnie de chinchilla.
Si nous disions deux mots de cette jolie capote. Figurez-vous la plus seyante, la plus ravissante, la mignonne capote qui se puisse voir; un bijou si petit, mais si gracieux qu’il plaît rien qu’en le regardant ! Des bords étroits laissant voir tous les cheveux, une calotte toute petite garnie d’une jarretière de rubans. Ce chapeau n’est rien, mais rien du tout à faire. En feutre, il perd tout son cachet. Il doit être de la même étoffe que la robe, l’élégance est, vous le savez, dans l’uniformité des couleurs et des tissus.
Eh bien, pourquoi ne feriez-vous pas concurrence à la modestie, achetez bien vite une forme. Enlevez d’abord une portion de l’évasement de dessus et de dessous; coupez ensuite votre étoffe, garnissez les bords, vous complèterez par un ruban de plume, ou de fourrure.
On fait aussi beaucoup de corsage habits sur des gilets de drap blanc, avec col montant et cravate.
La mante Victoria très longue sera de mode cet hiver, je le crois, mais elle ne supplantera ni la redingote, ni la jaquette espérons-le ! Elles se feront avec empiècements de fourrure, ou de broderies de jais, acier, or, et argent; mais je vous le répète, ne vous pressez pas trop de fixer votre choix, il faut toujours se méfier des premières apparitions d’une saison.
Qui nous dira un jour d’où proviennent ces textes sur la mode, tricotés à la mieux mieux mieux, et jamais signés, bien sûr ? Est-ce pur emprunt repêché dans la presse française et resservi aux dames de Joliette sans crier gare ? Y a-t-il tout un «système» qui se cache sous des textes semblables ? Existe-t-il au Québec des historiennes, des historiens de la mode, capables de nous déshabiller tout cela ? Comment savoir ?