Un voyage à Paris
Le 9 novembre 1906, Le Progrès du golfe, un hebdo publié à Rimouski, annonce qu’un ami, Ed. Helleur, vient de lui faire parvenir les notes suivantes après un voyage en Europe. Au cours de ce périple, il fait escale d’abord à Londres, en Angleterre, puis, avant de gagner la France, s’arrête à l’île Jersey « pour causer, dit-il, une surprise à mes parents qui ne m’attendaient nullement ». Nous l’accompagnons.
J’ai passé la plus grande partie de mon temps sur cette île où j’ai visité bien des places historiques; cet endroit a reçu cette année au-delà de 40,000 touristes, la plupart anglais et français. Ici pas de neige l’hiver, mais beaucoup de pluie; on y fait deux récoltes.
Après avoir passé quelques semaines chez mes vieux parents, je me suis rendu en France par St-Malo où j’avais des parents à visiter. St-Malo est une ville fortifiée suivant le vieux système, et est entourée par un grand mur en pierre. Cette ville possède un beau port de mer et une belle grève qui s’étend d’un côté jusqu’à Dinard et de l’autre jusqu’au mont St-Michel. Je me suis rendu à Dinard, Dinan et Paramé, ensuite j’ai pris le convoi pour Paris où j’ai passé quelque temps.
Que cette ville est belle et animée ! Que de choses à voir, et qu’ils sont nombreux les amusements qu’on peut y rencontrer. Trois choses sont nécessaires pour faire une bonne visite de Paris : du temps, un bon guide et un peu d’argent.
J’ai pu visiter un grand nombre de places intéressantes, entr‘autres : le bois de Boulogne qui n’est plus comme autrefois le bois favori des poètes, la plupart des courses ont maintenant lieu ici; les champs Élysées; champs de Mars; jardin d’acclimatation; jardin des Tuileries; ces jardins sont ouverts tous les jours au public, et renferment les plus belles promenades.
J’ai aussi eu l’avantage de visiter le jardin des plantes où l’on voit toutes sortes de bêtes du bois : lions, tigres, etc., etc. Le Grand Palais où se tenait une exposition coloniale; le fameux pont Alexandre, le plus beau de la Seine; le Musée du Louvres, où l’on voit des sculptures antiques et modernes, quantité de riches peintures à l’huile et autres, le Diamant Le Régent évalué à 12 millions, l’épée de Napoléon 1er enrichie de diamants, la couronne de Louis XV, la broche en diamants ayant appartenu à Marie Antoinette, et quantité d’autres objets trop nombreux pour énumération.
Autre merveille de cette grande ville : l’église Notre Dame, travail gigantesque qui a échappé aux dévastations de la commune. Le clocher de cette cathédrale renferme la plus grosse cloche de France, elle pèse 80 tonneaux, on ne la sonne que dans les grandes solennités, le grand orgue renferme 86 jeux et 6000 tuyaux.
J’ai aussi visité le tombeau de l’Empereur et ai pu lire de mes yeux ces paroles célèbres « Je veux que mes cendres reposent au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé ». L’Arc de Triomphe sous lequel repose la dépouille mortelle de Victor Hugo renfermée dans un riche cercueil; la tour Eiffel plantée comme une flèche en plein champ de Mars, construite toute en fer, hauteur 300 mt, le monument le plus élevé du globe. Je suis monté jusqu’au 3e étage où se trouve une galerie de 283 mt, qui nous permet de voir Paris, formant là le plus grandiose des panoramas.
Après avoir passé quelque temps à Paris, je suis retourné à Jersey pour y rencontrer un ami qui devait m’accompagner au Canada. Tous deux nous sommes partis pour le voyage de retour, à bord du Tunisian, le 18 octobre, et sommes arrivés à Québec le 26. Assez belle traversée.
L’illustration montre le Grand hôtel, boulevard des Capucines, à Paris. Antérieure aux propos de Helleur, cette image du peintre, illustrateur et architecte anglais Thomas Allom (1804-1872) est extraite de l’ouvrage Europe illustrated: its picturesque scenes and places of note, described by John Sherer, superbly embellished with steel engravings by Turner, Allom, Bartlett, Leitchm and other eminent artists. First series. France, Belgium, and the Rhine, The London Printing and Publishing Company Limited, 1876.
Cher Vous, un jour pour en avoir le coeur nette et poursuivre le périple des mes grands oncles j’ai fait ( début 70 le paquebot de voyage étudiant Tourbec coutait moins cher que l’avion )( c’était plus long mais combien plus captivant pour une péquenaude de mon espèce) la traversée Montréal- Le Havre à bord de l’Alexandre Pouchkine.
Malheureusement, chère Vous, je n’ai jamais pu vérifier si j’avais le mal de mer, ayant toujours pris l’avion. Mais ce voyage dut être fort agréable.