Un Vacher à tête brune mâle s’est glissé dans un groupe de carouges
Allons-y de quelques mots à son sujet.
Que disent de lui nos ornithologues depuis plus de 150 ans ?
James MacPherson LeMoine, dans son Ornithologie du Canada publié au début des années 1860, l’appelle l’Étourneau ordinaire. Et non seulement il n’a aucun respect pour cet oiseau, mais il débute son texte en parlant de son rôle scandaleux. Car le Vacher à tête brune femelle pond chacun de ses œufs dans le nid de d’autres oiseaux, qui auraient alors charge de les couver et de les élever. Mais, dès 1883, son propos est contesté par Charles-Eusèbe Dionne, dans Les Oiseaux du Canada.
Dionne, qui l’appelle également l’Étourneau ordinaire, écrit : «Quelques naturalistes ont affirmé que l’Étourneau ne construisait point de nid, qu’il déposait furtivement ses œufs dans des nids de Pinsons, de Fauvettes, etc. C’est une erreur, comme le remarque M. l’abbé Provancher, qui a eu l’occasion de voir lui-même plusieurs de ces nids, et presque toujours dans des conifères.»
Mais revenons à LeMoine qui propose un passage intéressant sur le Vacher à tête brune. Il écrit : Nous avons remarqué que les Étourneaux étaient beaucoup plus nombreux en certaines années. C’est en septembre qu’on les voit réunis en grandes bandes sur les clôtures ou sur les arbres, le long des ruisseaux et des endroits humides ; les habitants de la côte de Beaupré, comté de Montmorency, les immolent alors par douzaines et les exposent en vente sur les marchés. Gras et succulents en cette saison, ce sont de véritables éprouvettes gastronomiques, que le prince de la bonne chair, Brillat-Savarin, eut sans aucun doute appréciées convenablement. Il nous quittent à la fin de septembre et hivernent dans le sud de l’Amérique, où leurs innombrables cohortes se mêlent aux Goglus et aux Étourneaux à ailes rouges, nourriture saine et ardemment convoitée par des populations entières.
En 1906, dans Les Oiseaux de la province de Québec, Charles-Eusèbe Dionne l’appelle toujours l’Étourneau ordinaire. «Il se montre commun en été à Montréal, mais, il ne l’est pas aux environs de Québec, je n’en ai vu jusqu’à présent que quelques-uns.» Et voilà que Dionne s’est rallié maintenant à la position de LeMoine. «À l’exemple du Coucou d’Europe, l’Étourneau ne fait pas de nid ; il va furtivement déposer un ou plusieurs œufs dans des nids étrangers, comme ceux de Grives, de Pinsons ou de Fauvettes, lorsque les possesseurs en sont absents.»
Lisant P. A. Taverner (Les oiseaux de l’Est du Canada, 1920), on se dit que manifestement l’oiseau a mauvaise réputation. «L’Étourneau ordinaire est notre seul oiseau habituellement parasite. Jamais il ne construit de nids, ni ne couve ni ne s’occupe de ses petits. En l’absence d’un autre oiseau qui couve, il profite d’une occasion pour déposer l’un de ses propres œufs dans le nid non gardé. D’habitude, les propriétaires du nid acceptent l’œuf sans protester, mais parfois ils s’y opposent énergiquement puis finalement se résignent. Dans certains cas, le nid est déserté et un nouveau nid est construit par-dessus l’œuf étranger; c’est ainsi que fait quelquefois la Fauvette d’Amérique. L’incubation présente un cas intéressant d’adaptation. On remarque que l’œuf de l’Étourneau est éclos ordinairement quelques heures avant ceux de l’oiseau nourricier et, par conséquent, l’intrus est déjà fort et développé, alors que les premiers occupants du nid ne font que briser leur coquille. Cela lui permet de s’emparer de la nourriture et d’augmenter ainsi son surcroît de vigueur de telle façon qu’il peut rejeter ses concurrents hors du nid et recevoir pour lui seul les soins qui devaient aller à toute la nichée.»
Dans Les oiseaux nicheurs du Québec, Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional (1994), sous la direction de Jean Gauthier et Yves Aubry, Christian Houle et Line Choinière, les auteurs du texte sur le Vacher à tête brune, confirment ce propos. Mais ils mentionnent qu’on a observé des réactions chez certaines espèces victimes du Vacher : la désertion du nid, la construction d’un nouveau plancher au-dessus des œufs déjà pondus, l’éjection de l’œuf de vacher hors du nid ou encore le bris de l’œuf étranger. Houle et Choinière disent que, de la fin des années 1960 à la fin des années 1980, on a enregistré au Québec une baisse des effectifs chez cet oiseau.
Dans le deuxième Atlas québécois des oiseaux nicheurs du Québec méridional paru en 2019, Guy Michaud attribue cette décroissance, en particulier de 1990 à 2014, aux nouvelles pratiques agricoles et à la perte d’habitats, ainsi qu’à l’entreposage plus hermétique des grains. « Enfin, la plantation d’arbres et la régénération naturelle des forêts, écrit-il, ont réduit la disponibilité de milieux ouverts, dont l’espèce a besoin pour s’alimenter. Chose certaine, on peut présumer que les oiseaux les plus souvent parasités par le Vacher à tête brune tirent parti, du moins ponctuellement, de la raréfaction de ce dernier. »
Référence à l’atlas de 2019 : Michaud, Guy, « Vacher à tête brune », p. 514, dans Deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional (M. Robert, M.-H. Hachey, D. Lepage et A. R. Couturier, dir.) Regroupement QuébecOiseaux, Service canadien de la faune (Environnement et changement climatique Canada), et Études d’oiseaux Canada, Montréal, 2019.
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Dates d’arrivée du Vacher à tête brune
1985 : 28 février
1988 : 19 mars
1989 : 27 mars
1990 : 17 mars
1991 : 30 mars
1995 : 22 mars
1996 : 27 mars
1997 : 29 mars
2002 : 17 mars
2003 : 29 mars
2004 : 14 mars
2005 : 30 avril
2006 : 21 avril
2009 : 28 mai
2011 : 6 avril
2014 : 5 avril
2017 : 6 avril
2020 : 15 avril
2021 : 20 avril
2023: 30 mars