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Le poète et écrivain Hector de Saint-Denys Garneau, sur l’hiver

Extrait de son journal personnel.

L’hiver oppose à la lumière un merveilleux miroir à reflets, il la rejette de toute part comme une armure : « Défense de pénétrer. »

La surface de la terre est durcie ; et puis en plus il y a cette belle cuirasse où la lumière frappe et retentit éclatante. S’il y a de la chaleur, on a beau l’appeler, elle ne paraît pas. Elle est retranchée. Il y a une grande lame de froid qui occupe toute la place qu’on peut voir et toucher.

La chaleur est loin là-haut dans le soleil et puis couve au milieu de la terre, mais sans paraître aucunement. Et la lumière frappe la terre tant qu’elle peut : mais c’est une porte fermée ; et même, on dirait, murée, car tout le reflet, le son qui répond au heurt, rebondit en dehors durement, sans se propager à l’intérieur ; et même quand il y a quelqu’un d’ami à l’intérieur son pas s’entend qui vient de la profondeur de la maison répondre à notre venue jusqu’ici.

« Mais, dit la lumière, en hiver, je trouve la terre fermée plus qu’une muette : elle n’a pas même envie de parler. Je ne dis pas qu’elle n’est pas belle. Elle me laisse même la parer de moires et de satins, de diamants et d’améthystes, de colliers de reflets qui sont parmi mes plus beaux trésors. Mais quelque chose manque, une réponse. C’est plutôt une chose qu’une personne. Même quand je pénètre au sein de ces forêts j’ai l’impression d’être toujours dehors.

« Et vous remarquerez qu’aussi bien je ne m’y attarde pas, que je m’envole brusquement d’où l’on m’a vu briller il y a si peu de secondes ; où j’étais, je n’y laisse en partant pas une caresse et pas une chaleur. C’est dans les plaines en hiver que j’aime mieux jouer. Elles m’offrent un large espace où je puis déployer à plaisir mes sortilèges, toute la gamme du rose au bleu par l’or de mes métamorphoses. Quelle splendeur ! M’avez-vous vue ? Mais ce jeu, pour magnifique qu’il soit, est un peu égoïste, et je ne cacherai pas que l’arrivée du printemps me réjouit et, comme on dit, me réchauffe le cœur. »

 

Saint-Denys-Garneau, Journal, Montréal, Beauchemin, 1963, p. 225s.

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