Retour sur la poète Rose Eliceiry
Nous avions déposé un premier billet portant sur son deuxième recueil en mai 2018. Personnellement, j’attends avec patience son troisième, si cette jeune dame, née en 1985, décidait de poursuivre. Je le réclame à l’occasion à mon libraire. Nouveaux extraits sur son second recueil.
si je ne dis plus rien c’est faute d’avoir les mots
qui faisaient autrefois apparaître la splendeur
j’écris pourtant le ciel dans chacune des caresses
un message codé sur la peau de ton corps
qui vieillit dans mes bras
* * *
quand tu auras senti sur la peau de ton cou
la lame fine qui entaille la candeur
quand on te dira de te taire
quand tu n’auras plus rien à dire
quand on ne t’écoutera plus
alors seulement tu pourras parler des colombes
de ce qu’elles recèlent d’émouvant et de fragile
tu pourras parler de leurs mains
de leur cœur mauve et chaud
comme on parle d’insurrection
* * *
il pleut
sur Saint-Dominique
on a laissé mourir le feu
quelque part
dans le ravissement quotidien
plus tard
un soleil, jaune et mou recouvrira la ville
et je n’aurai plus d’alibi
pour consoler le ciel
* * *
pour toi seul à présent
les cheveux du soleil
creuse l’exact lit de ta présence
dans la moelle des heures
et si la terre nous abandonne
si le craquement des astres nous parvient de nouveau
si le soir se déchire crépusculaire de sang
je t’attendrai dans les débris de la fête
là où fuit le monde en lumière
* * *
je garde une poignée de cailloux pour compter les manquants
n’ai plus assez de mains pour refaire tous leurs gestes
n’ai plus assez de mots pour recoudre leurs voix
il faudra bien pourtant que l’on se laisse faire
qu’on laisse gagner le monde juste pour une fois
en se rongeant l’amour au corps
Rose Éliceiry, Là où fuit la monde en lumière, Montréal, Les Éditions de l’Écrou, 2017.