Avez-vous déjà porté attention à la présence de lichens sur votre route ? Dans un parc, dans le bois ou autrement ?
La page Wikipédia qu’on lui consacre dit qu’il fait partie de la biodiversité négligée. Le lichen n’est ni une algue, ni un champignon, et il a en commun avec la mousse d’aimer coloniser les pierres, comme le bois mort.
Outre ses diverses manifestations, il est remarquable par le fait que ses plus vieux fossiles datent du Cambrien [-541 à -485 millions d’années]
Voici comment le naturaliste français Alexandre Acloque (1871-1941) les présente dans l’ouvrage qu’il publie alors qu’il n’a que 22 ans.
Si l’on classait les plantes d’après l’élégance de leurs formes, les lichens seraient certainement relégués au dernier rang de la série végétale.
Ils n’ont point de tiges, point de feuilles, et leurs thalles n’épanouissent jamais la moindre fleur ; les plus favorisés de leurs représentants dressent à peine quelques lobes déchiquetés, quelques ramifications rabougries, rigides et nues comme les herbes que l’hiver a desséchées. […]
Mais, ce premier pas une fois franchi, une fois la vitalité reconnue aussi puissante dans ces humbles êtres que dans les plus nobles représentants du règne végétal, que d’enseignements la physiologie ne peut-elle pas trouver dans la manifestation de leur activité, l’anatomie dans l’étude de leur structure !
Ce ne sont pas des champignons : on ne rencontre guère chez eux de parasites ou de saprophytes, et ils vivent plus longtemps que ces singuliers végétaux, nés de la corruption et plus fugaces qu’elle ; leur existence se déroule lentement dans une évolution progressive qui n’a d’autre limite que la mort de leur arbre ou l’émiettement, par la pluie ou le vent, de leur rocher.
Ce ne sont pas des algues : ils évitent les endroits humides, et ils peuvent supporter sans périr de longues périodes de sécheresse.
Ils tiennent à la fois des uns et des autres ; supposez réunies la vie d’un champignon et la vie d’une algue, non pas, comme on l’a imaginé, par un étrange phénomène de parasitisme, mais par une association normale, combinez cette double activité en une même existence, donnez à toutes deux un but unique, de telle manière que pour l’atteindre en commun elles se complètent mutuellement, et vous arriverez à la conception très simple de la vie des lichens.
Prenant comme point de départ cette union d’un être phyllochloré, d’une algue, et d’un être sans phyllochlore, d’un champignon, qui donnent à l’association, le premier, du carbone, le second, de l’oxygène, nous nous proposons dans ce livre de faire voir comment les lichens s’adaptent aux exigences qui résultent pour eux de leur double affinité, quelles formes ils affectent pour se plier à toutes les nécessités de leur existence, et suivant quel mode chacune de leurs parties se multiplie dans sa condition, tout en étant capable, avec le concours de l’autre, de reproduire l’individu dans son unité normale […]
Bref, vous avez sans doute reconnu la puissance de cette alliance dans le lichen, une manifestation de vie étonnante.
A. Acloque, Les Lichens, Étude sur l’anatomie, la physiologie et la morphologie de l’organisme lichénique, Paris, Librairie J.-B. Baillière et Fils, 1893, p. V-VII.