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Retour sur Satprem (1923-2007)

Ce que j’aime de cet homme, dont les œuvres sont aujourd’hui malheureusement à peu près introuvables, c’est que souvent il réfléchit, il médite à voix haute, nous donnant à l’accompagner.

Le revoici.

Nous sommes les derniers fils de Núñez de Balboa, sans Pacifique, les derniers Cathares — mûrs pour l’Inquisition laïque. En pleine époque concentrationnaire, inquisitionnaire. Pas de place pour nous. Nous dépassons de partout — on veut nous raboter, mais nous sommes de la planche inutile, bons pour le feu.

Ah ! je les connais par cœur, ici, ailleurs, sur toutes les routes, absurdes routes, ces black-sheep, ces révoltés contre tout, contre eux-mêmes, ces vagabonds à dormir debout — toujours à court d’espace, Qu’attendons-nous ?

Nous sommes des témoins. Les archanges douloureux d’un monde qui croule. Nous sommes les fils d’une race nouvelle qui n’est pas encore née, mais qui vibre à travers nous comme un vent chargé de menaces et de pollens nouveaux.

Je ne sais pas ce que nous voulons dire, notre oracle est scellé, nos songes sont obscurs, nos signes contradictoires. Nous n’avons pas la clef. Mais nous sommes là sur un seuil nouveau à frapper, frapper comme dut le faire le premier primate dans sa forêt, qui voulut être un homme. Et nous nous perdons dans la révolte, perdons dans l’orgueil des victimes, dans la fascination du refus, du désert ou des rêves. Mais notre sens n’est point d’être victime, ni de fuir ; il est par-delà la révolte.

Notre sens est de frapper, frapper comme des enfants dans la nuit, jusqu’à ce que la porte s’ouvre.

 

Satprem, L’Orpailleur, Paris, Éditions du Seuil, 1960, p. 168.

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