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J’aime beaucoup ce qu’arrive à aller chercher dans la langue de chez nous la poète et romancière de Québec, Isabelle Forest

Voyez ici la succession d’images.

 

une odeur la réchauffe

le café moulu par la mère

dans la pièce voisine

elle colle sa joue sur le bois de la porte

perçoit les respirations de la mère

autant de craquements du monde

elle récite pour elle-même

le nom de chaque pierre au jardin

retrouve le fouillis de ses coloriages

l’haleine du bonheur

la pénètre jusqu’aux entrailles

encore un peu

et ses petites habitudes offriraient

une résistance frappante à la mort

* * *

pour peu que l’on veille

possédé de royaumes

tôt ou tard

on se casse dans l’oubli

ce matin-là

vous rirez encore au soleil frileux

parmi les neiges sucrées

les louves quitteront la paresse des prés

la terre aura l’odeur des arbres endormis

une mouette retrouvera ses clochers égarés

et moi

je serai plus nue que lumière

à jamais disparue

 

Isabelle Forest, Les chambres orphelines, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2003.

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