« Ce qui a encore aggravé les choses, c’est qu’il a soufflé toute la nuit un véritable vent de janvier »
La tempête de neige de lundi n’était que le prélude du cyclone qui nous était destiné pour hier.
À sept heures, hier soir, la neige a commencé et un vent violent s’est levé graduellement jusqu’à ce qu’il eût atteint une vélocité de 50 milles à l’heure [un peu plus de 80 kilomètres à l’heure]. Nous étions retombés en plein hiver !
Il est tombé huit pouces de neige, ce qui ajouté aux dix pouces et demie, qui sont tombés lundi, nous voilà avec dix-huit pouces de neige [près de 46 centimètres], là où il n’y avait que de la poussière le 1er avril.
Ce jour-là, le printemps souriait ! Quel poisson !…
La neige et le vent ont de nouveau paralysé le trafic des rues et la circulation des tramways. Les autorités de la compagnie disent que c’est la température la plus désagréable que nous ayons eu cette saison.
Toutes les balayeuses électriques ont été à l’œuvre toute la nuit, et, le matin, le service était régulier.
Un des reporters de La Patrie a rencontré, ce matin, M. Arthur Gaboury, le surintendant de la compagnie des tramways et, malgré toute la besogne que cet important fonctionnaire avait accumulée devant lui, il a bien voulu nous accorder quelques minutes d’entrevue.
« C’est la plus anormale tempête de neige que j’ai vue depuis une quinzaine d’années que je suis à l’emploi de la compagnie des tramways, dit M. Gaboury, et je vous assure que le personnel de la compagnie a travaillé nuit et jour. Nous commencions presque à souffler hier soir, et anticipions un repos bien mérité, lorsque, vers 7 heures, est venue s’abattre sur la ville la tempête dont vous avez constaté les résultats ce matin.
« Une tempête extraordinairement anormale, en effet, puisque, à la même date, l’an dernier, la compagnie avait une cinquantaine de tramways ouverts dans les rues.
« Ce qui a encore aggravé les choses, c’est qu’il a soufflé toute la nuit un véritable vent de janvier. À Viauville [dans l’est de Montréal] et dans la banlieue, c’était une véritable poudrerie du milieu de l’hiver.
« Remarquez aussi que la neige était molle, collante, ce que les gens du métier appellent une « rubber storm ». Cette neige tombe dans la rainure du rail, dans ce qu’on appelle la gouge, se durcit comme de la pierre au passage des rues, puis provoque des déraillements.
« Et vous comprenez, ajoute M. Gaboury, lorsqu’un tramway est déraillé, la neige ne s’arrête pas de tomber pour tout cela et le déblaiement devient plus difficile.
« Cependant, malgré toutes ces difficultés, le service n’a pas été interrompu. »
La Patrie (Montréal), 10 avril 1907.