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Le cher Merle d’Amérique chanté par Thoreau

Extrait d’un moment en avril dans son journal.

Les oiseaux chantent sous la pluie près du petit étang devant la maison ; la mésange curieuse qui a volé sur les aulnes pour nous reconnaître, les merles, le passereau, nous parlent des fleurs qui vont éclore.

Mais surtout le rouge-gorge chante aussi, je ne sais où, dans les bois. « Chantait-il ainsi au temps des Indiens ? » me dis-je, car j’avais toujours associé ce chant au village et aux clairières, mais, à présent, je remarque dans son chant ce qu’il a de sauvage et d’aborigène.

C’est un oiseau des bois qui chantait de même quand il n’y avait pas d’oreille civilisée pour l’entendre, vraie mélodie de la forêt comme celle de la grive. Toutes les belles et grandes choses gardent cet air sauvage que la véritable culture ne détruit pas. Je l’entends tel qu’il chantait pour l’Indien, le soir, sur l’orme, au-dessus du wigwam ; et l’homme rouge l’associait dans son esprit aux événements de la vie indienne, à son enfance.

Autrefois, il ne me parlait, en son chant, que de la vie villageoise de l’homme blanc ; maintenant, en l’écoutant, je songe à la vie du Peau-Rouge ; ainsi chantait-il pour les enfants indiens quand ces sagittaires lustrées par la pluie, sur le maigre champ d’éteule [chaume laissé sur place après la moisson], furent attachées à leur tige.

 

Henry David Thoreau, Journal, 1837-1861, présenté par Kenneth White, Paris, Les Presses d’aujourd’hui, 1981, collection L’Arbre double, p. 97s.

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