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Les mots échappés de Kazantzaki

Un de mes livres de sagesse que j’aime le plus est celui de Nikos Kazantzaki, Ascèse Salvatores Dei. On dirait bien que c’est la grotte où se cache enfin la sagesse, tant ce livre est riche. Déjà, le 20 mai 2016, nous y avions fait écho. Pourquoi ne pas y revenir !

Redresse-toi mon âme, si tu le peux. Dresse-toi un instant au-dessus des flots fracassants et embrasse la mer d’un coup d’œil puissant. Contrôle-toi afin de ne pas sombrer dans la déraison, et d’un coup replonge-toi et continue la lutte.

Ramasse tes forces et écoute. Le cœur tout entier de l’homme n’est qu’un cri ; penche-toi sur ta poitrine pour l’entendre : quelqu’un en toi lutte et appelle.

Ton devoir est d’entendre ce cri jour et nuit, au milieu de tes joies et de tes douleurs, au milieu des nécessités quotidiennes ; de l’entendre avec violence ou avec calme, selon ta nature, en riant ou en pleurant, en te plongeant dans la méditation ou dans l’action ; et de t’efforcer de comprendre qui appelle ;

et de chercher comment nous, les humains, nous pouvons organiser nos forces pour lui venir en aide.

Du fond de notre plus profonde détresse, quelqu’un crie en nous : « Je ne désespère pas, je lutte ! Je m’arrache au sommet de ton crâne, je m’élance hors du fourreau de ton corps et de celui de la terre ; aucun cerveau, aucune action, aucun nom ne saurait me contenir ! »

Je choisis le chemin qui monte, parce que c’est vers le haut que me pousse mon cœur. Plus haut, plus haut, plus haut ! crie mon cœur, et je le suis avec confiance.

Je sens que c’est cela qu’exige le Cri originel. Je bondis à ses côtés et confonds mon sort avec le sien.

Quelqu’un en moi s’efforce de soulever le poids et de faire sauter la chair et l’esprit, pour triompher de la paresse, des habitudes et de la nécessité.

J’ignore d’où il vient et où il va. Dans ma fragile poitrine je guette sa marche, j’entends son essoufflement, je frissonne à son contact.

Qui est-ce ? Je tends l’oreille ; je pose des jalons, je flaire le vent, je monte en tâtonnant et en haletant derrière l’Inconnu. La terrible Marche mystique commence.

 

Nikis Kazantzaki (1883-1957), Ascèse Salvatores Dei, texte établi par Aziz Izzet, Paris, Librarie Plon, 1959.

Ci-haut, la dernière page de ce livre de Kazantzaki. Le point d’interrogation est de nous.

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