Voilà la première mention sérieuse de dinosaure dans la presse québécoise de 1880 à 1910
Il faut sans doute en conclure que la paléontologie n’est guère développée. D’ailleurs, on les appelle dinosauriens et non dinosaures. Mais profitons de ce premier article, même court.
Voilà deux têtes que nos chasseurs de loups malgré leur bravoure n’aimeraient pas à rencontrer en champ clos. Elles mesurent quelque chose comme soixante-cinq pieds de longueur [près de 20 mètres] et pèsent dans les soixante-douze mille livres — 36 tonnes !
Comparées aux éléphants dont les plus gros atteignent une quinzaine de pieds [un peu plus de 4, 57 mètres], on juge de l’énormité et de la force de ces quadrupèdes. Mais ce qui les rend cependant inoffensifs pour l’homme, c’est qu’ils ont cessé de vivre depuis au-delà de 5 millions d’années et ne se rencontrent plus aujourd’hui qu’à l’état de fossiles.
Ces animaux préhistoriques appelés dinosauriens nous ont été révélés au cours de fouilles pratiquées surtout dans les États américains du Wyoming et du Colorado.
On travaille actuellement au « Field Columbian Museum » de Chicago à remettre sur pied, à l’aide d’une armature en acier, un des plus beaux types de cette espèce disparue, un dinosaurien qui fut découvert il y a cinq ans par M. Riggs, près de Grand Junction, dans le Colorado, et qu’on a baptisé du nom de « Herb Dinosaur ». […]
L’os de la cuisse, long de six pieds [1, 82 mètre], pesait à lui seul 710 livres [322 kilos].
On n’a pas opéré l’extraction de la charpente entière de l’animal, mais on en possède suffisamment pour en reconstituer à coup sûr la forme authentique.
L’animal offrira l’apparence d’un reptile énorme qui aurait des pattes.
Ces géants de la fauve primitive [sic] étaient des carnassiers, mais des herbivores. Avec sa taille longue de 65 pieds, on imagine la facilité qu’avait Monsieur « Herbe Dinosaur », en se dressant sur son arrière-train, à dépouiller la tête des arbres les plus élevés.
La rencontre de ces animaux rués l’un contre l’autre devait être un spectacle effrayant. Une bataille de boule-dogues n’est que jeu comparée aux luttes épiques de ces géants.
Dans la gravure que nous donnons, l’artiste s’est plu à imaginer un combat entre deux dinosauriens.
Malgré tout l’intérêt qu’offrirait le spectacle au point de vue sportif, nous nous plaisons à penser que les éléments font aujourd’hui défaut pour en donner une représentation réelle.
N’y aurait-il que les loups pour nous donner de la misère, ce serait assez pour ne pas désirer voir des dinosauriens autrement qu’en image ou en fossiles.
La Patrie (Montréal), 14 mars 1907.