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La Journée internationale des Femmes (8 mars)

Qui donc connaît la femme forte, Marie-Louise Sirois ? L’historien, archiviste et journaliste Édouard-Zotique Massicotte lui rend hommage.

Si nombreux que soit les phénomènes de la force physique dans le Canada français, on ne songe jamais, ou presque, à inclure dans cette classe des personnes du sexe féminin, tant on croit que la vigueur extraordinaire est l’apanage exclusif de l’homme.

Pourtant les femmes puissamment musculeuses ne sont pas rares, en ce pays, et pour s’en convaincre on n’aurait qu’à lire la biographie de nos athlètes, car on y remarquerait que la plupart reconnaissent que leurs mères étaient capables d’exploits étonnants.

Sur aucune d’elles, toutefois, on ne possède de renseignements assez précis pour pouvoir, avec certitude, établir des comparaisons. Mais ces renseignements je les possède en ce qui concerne le sujet de cette notice. Pour la première fois, une de nos compatriotes n’a pas craint d’exhiber sa force publiquement et de s’adjuger des records qui ont été publiés maintes fois et qui n’ont jamais été discutés.

Ces records, avouons-le, sont exceptionnels, ils touchent de près ceux de nos très bons athlètes et il est possible que Mme Cloutier ait raison non seulement de s’intituler la « femme le plus forte » de l’univers, mais encore de lancer des défis à plusieurs de ceux qui ont des prétentions au titre d’hercule.

Mme Henri Cloutier, de son nom de fille, Marie-Louise Sirois, est née à Ste-Anne de la Pocatière, en 1866. Elle n’avait que 12 ans, lorsque sa famille émigra aux États-Unis, où elle a demeuré longtemps et où elle a épousé M. Henri Cloutier qui a eu son temps de popularité.

Mme Cloutier a toujours été forte. Dès sa jeunesse et surtout vers l’âge de 17 ans, elle stupéfiait ses compagnes par des tours que bien des hommes n’auraient pu exécuter. Néanmoins elle attachait peu d’importance à cela. Un hasard se chargea de lui révéler quelle énorme puissance elle possédait. Elle avait 25 ans et son mari venait d’ouvrir, à Salem, Mass., un gymnase très fréquenté, puisqu’il comptait deux cents membres.

Un soir que Mme Cloutier traversait la salle, elle vit un groupe d’amateurs qui s’essayaient à lever d’une main un plateau sur lequel on avait réuni 400 livres d’haltères [un peu plus de 181 kilos]. Curieuse, elle suivait les efforts inutiles de chacun et, lorsque le dernier, un colosse, eut échoué, elle ne put s’empêcher de ridiculiser quelque peu ces altiers samsons, qui s’épuisaient vainement à remuer un poids qu’une femme pourrait probablement soulever.

Il y avait plus de badinage qu’autre chose dans ses paroles et elle n’aurait certainement pas fait connaître sa pensée si elle eut cru qu’on lui demanderait de soutenir son assertion. Tout de même, elle se risqua et, à l’ébahissement des spectateurs, réussit le tour du premier coup. Dire qu’on l’applaudit à outrance suffit à peine pour indiquer l’ovation qui lui fut faite.

La nouvelle de cet exploit, prodigieux pour une femme, vola de bouche en bouche et on la supplia de s’entraîner afin de développer sa force naturelle.

Elle suivit le conseil et bientôt se classa au premier rang des phénomènes de la force physique.

Embrassant alors la carrière athlétique, elle donna des représentations dans les principales villes du Canada et des États-Unis […].

 

E. Z. Massicotte, « Athlètes canadiens-français, Madame Henri Cloutier », La Patrie (Montréal), 8 février 1908.

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