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Une découverte grâce à l’écrivain français François Bott

Rappelez-vous le billet du 23 février dernier. Il nous disait qu’Antonio Porchia était l’auteur d’un seul ouvrage, un recueil d’aphorismes qui exerçait la plus grande séduction.

Roger Caillois dit qu’il l’a découvert en Argentine durant les années 1940. « J’échangerais contre ces lignes tout ce que j’ai écrit. » Jorge Luis Borges note que « ces phrases donnent à entendre l’échange incessant qu’entretient avec lui-même un être en disponibilité de penser (…), un homme solitaire, lucide et conscient du singulier mystère de chaque instant ».

Arrêtons-nous à ce nouvel écrivain qu’on ne pourra pas résumer en un seul billet.

Les petits riens sont l’éternel, et le reste, tout le reste, le bref, le très bref.

Sans cette sotte vanité qui consiste à nous montrer et qui est le fait de tout le monde et de tout, nous ne verrions rien et il n’existerait rien.

Si on m’ouvre une porte, j’entre et me retrouve avec cent portes fermées.

Je sais que tu n’as rien. C’est pourquoi je te demande tout. Pour que tu aies tout.

Si j’étais comme un rocher et non comme un nuage, ma pensée, qui est comme le vent, m’abandonnerait.

On vit avec l’espoir de devenir un souvenir.

Beaucoup de ce que j’ai cessé de faire en moi continue de se faire en moi, tout seul.

Parfois je suis comme dans un enfer et je ne me plains pas. Je ne trouve pas de quoi me plaindre.

Un rayon de lumière a effacé ton nom. Je ne sais plus qui tu es.

Quand je me contente avec rien, c’est que je me contente de tout.

Celui qui ne remplit pas son monde de fantômes, il reste seul.

Parfois je la trouve si grande, la misère, que j’ai peur d’avoir besoin d’elle.

À force de me plaindre de tout le monde et de tout, j’ai fini par me plaindre de moi-même à moi-même. Et ça ne fait qu’empirer.

Le lointain, le très lointain, le plus lointain, je ne l’ai trouvé que dans mon sang.

Le mystère n’aveugle pas mes yeux, il les apaise.

Quand ta douleur est un peu plus grande que ma douleur, je me sens un peu cruel.

Les non-vides, points d’appui des vides, n’ont pas de points d’appui et errent… dans les vides.

Voilà mille ans que je me demande : qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Et je n’ai toujours pas besoin de me répondre.

Une chose, tant qu’elle n’est pas toute, est un bruit, et toute, elle est silence.

 

Antonio Porchia, Voix réunies, traduit de l’espagnol (Argentine) par Danièle Faugeras, dessins de Martine Cazin, Toulouse, Éditions érès, 2013.

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