Le charivari, une coutume française très ancienne, refait surface (premier de deux billets)
Que se passe-t-il ?
Quand un veuf se remarie, dans nos campagnes, il arrive quelquefois qu’on lui « coure un charivari ». Ce divertissement piquant était de grand’mode il y a un demi-siècle. Le charivari, la guignolée et les visites du mardi gras sont des farces qui ont fort amusé nos grands-pères.
C’était des manifestations bouffes, généralement d’une gaieté franche.
Dans le charivari cependant, il entrait souvent une intention malicieuse et ceux qui en étaient l’objet auraient bien préféré se passer de cette fête.
Voici la procédure : Quand un veuf se remarie, les gens du voisinage vont, la première nuit après les noces, faire une musique infernale autour de la maison des nouveaux mariés, jusqu’à ce que ceux-ci aient invité tout le monde à boire un coup.
Même au siècle dernier, la coutume n’avait pas l’heur de plaire à tous les remariées. Mais, de nos jours, il y aurait de graves inconvénients à la ressusciter, s’il faut en juger par ce qui vient de se passer dans une colonie canadienne-française des Cantons de l’Est.
Dans le canton de Brome, sur le versant sud de la montagne de ce nom, il y a un rang considérable peuplé presque exclusivement de Canadiens-français et que les Anglais de Knowlton appellent le « french setllement ».
Or, dans ce coin, il y a quelque temps, un veuf d’âge mûr eut la fantaisie de se remarier.
Tout alla bien jusqu’au soir des noces. Mais quand la brunante tomba, une bande de musiciens étranges et enragés vint s’installer autour de la maison nuptiale. Le charivari commençait.
Les sons lourds des gros chaudrons et les sons frêles des plats de ferblanc battus avec des baguettes solides se mêlaient horriblement avec les cris déchirants des trompettes et les bêlements nasillards des mirlitons achetés au magasin de jouets de Waterloo.
C‘était un tintamarre infernal. Tantôt, les musiciens paradaient, tantôt ils s’arrêtaient pour jouer avec plus d’ensemble. L’instrument le plus puissant de la fanfare était un de ces « grands chaudrons à sucre » de l’ancien temps, l’anse passée dans une longue perche que deux gaillards portaient sur leurs épaules, duquel on tirait des « boum’m » épouvantables en le frappant à coups de marteau.
La suite : demain.
La Patrie (Montréal), 28 février 1908.