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Jean-Camille Fulbert-Dumonteil (1831-1912) au sujet du chat

Tilou

J’aime beaucoup cet écrivain qui, comme le dit sa page Wikipédia, est un conteur délicat et fin, au style alerte et pittoresque.

D’ailleurs, il y a bien une dizaine de billets de son cru sur ce site.

Extrait, ici, de Histoire naturelle en action. Animaux et plantes.

Le Chat

Le chien a nui au Chat. Si l’on compare l’exubérance et l’expansion amicale, la fidélité, l’obéissance, le sentiment et l’intelligence presque humaine du premier à la capricieuse indépendance du second, on estimera sans doute que le Chat n’est qu’un égoïste, qu’un  sybarite et un réfractaire.

Sans me faire l’avocat du Chat, je crois qu’on s‘est montré un peu dur pour lui. Il ne s’attache, dit-on, jamais à la famille où il vit, aux personnes qui le nourrissent et qui le caressent, mais à la maison qu’il habite, aux meubles où il se plaît à dormir, au toit familier, témoin de sa gymnastique et de ses amours. C’est une bête d’habitude et non de sentiment, de bien-être et point de reconnaissance.

Cet acte d’accusation est peut-être exagéré. J’ai vu, dans mon village, un gros chat de gouttière suivre de porte en porte un vieux mendiant dans ses fatigantes tournées. J’ai connu un médecin de campagne qui faisait ses courses, un chat monté sur la croupe de son cheval.

Il y a quelques années, on pouvait voir au bois de Boulogne un magnifique angora qui accompagnait sa maîtresse comme un chien. Il avait des grelots au cou et une laisse en soie rose, et quand il lui arrivait de miauler, on était presque surpris de ne pas l’entendre aboyer.

Ce n’est pas en vain, du reste, que cette indépendance incarnée qui se nomme le Chat s’est frottée à la civilisation parisienne. Dans la loge des concierges, où il trône en souverain dans son fauteuil de velours d’Utrecht, ce n’est plus une bête, c’est un personnage. Il voit tout, observe tout, juge tout et il sait si bien s’identifier à son rôle qu’on serait tenté de lui dire en lui passant la main sur le dos :  « Cordon, s’il vous plaît ! »

Dans les fêtes publiques des environs de Paris, qui n’a pas vu des chats savants cabrioler sur des singes, tirer la bonne aventure et jouer aux quatre coins avec des rats ? Enfin, comme pour faire mentir le proverbe et pour démentir la science, on a vu, paraît-il, des chattes compatissantes prêter le secours de leur mamelle à des petits chiens sans mère. […]

Tout le monde connaît l’Angora superbe, au long poil soyeux, à l’indolente majesté, c’est un Chat-pacha, anobli, débonnaire et somnolent. Le Chat de gouttière, palpitant et maigre, à la robe tachetée, à l’œil brillant, au bond merveilleux, affamé de proie, acharné à la chasse, toujours à l’affût, se rasant, se couchant, s’allongeant, ondulant, passant comme un trait : voilà le vrai chat ! un tigre en raccourci.

Le Chat est le plus charmant peut-être de tous nos animaux. Est-il possible d’imaginer un être plus fin, plus délicat, plus propre, plus agile, plus élégant, plus coquet, qu’un jeune chat ? Voyez-le ! il tourne, fait le gros dos, saute, bondit, glisse, ondule, se couche, se relève, montrant et cachant tour à tour sa tête enfantine, agitant sa patte mollement recourbée comme s’il jouait avec un rayon de soleil. […]

 

Fulbert Dumonteil, Histoire naturelle en action. Animaux et plantes, Paris, P. Larousse et Cie, Deuxième édition, sans date, mais un livre paru pour la première fois en 1883.

On trouvera l’ouvrage sur le site internet de Gallica.fr

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