Noël, par Louis Fréchette (Second de deux billets)
Peut-être avez-vous lu la première partie de ce texte sur Noël par l’écrivain Louis Fréchette ? Elle paraissait hier. Voici la seconde. L’auteur laisse d’abord entendre que les croquignoles pourraient venir de Bretagne et de Normandie.
Après la messe de minuit, l’on se distribuait une sorte de gâteau que l’on appelait nieulles, probablement l’origine de nos croquignoles (croquez nieulles).
Notons que les croquignoles sont, dans nos campagnes, le mets de Noël par excellence.
Les bonnes ménagères croiraient manquer de toutes les traditions si, au retour de la messe de minuit, la famille — et même les voisins — ne pouvaient s’assoir autour d’un appétissant monceau de croquignoles dorées et toutes croustillantes dans leur toilette de poudre blanche et sacrée.
Dans certaines parties de la France — notamment en Alsace — mais surtout en Allemagne et en Angleterre, la bûche de Noël s’est transformée en Arbre de Noël.
Cet arbre est encore de mode et consiste en une belle tête de sapin, bien régulière et bien verte, aux rameaux de laquelle on suspend, entremêlées de petites bougies multicolores, les jouets d’enfants et les autres cadeaux de famille qu’on échange ce jour-là.
Pour les Anglais, Noël est un jour unique.
C’est le jour familial entre tous, le jour des banquets, des réunions mondaines, de l’hospitalité traditionnelle.
L’énumération des quartiers de viande et des pièces de gibier qui se consomment dans la ville de Londres à chaque Christmas fatiguerait, comme dit Louis Blanc, le patient génie d’Homère.
Une légende affirme que, la nuit de Noël, les bêtes acquièrent soudain le don de la parole.
Si la chose est vraie — en Angleterre surtout — cette immense hécatombe de leurs semblables ne doit pas fournir à celles qui restent un sujet de conversation bien folâtre.
Parmi les vieux noëls que la tradition nous a transmis, il en est un d’une naïveté charmante, assez inconnu, je crois, que j’ai entendu chanter dans mon enfance, et que j’ai toujours retenu. Le voici :
— D’où viens-tu, berger ? Oh ! d’où viens-tu ?
— Je viens de l’étable de m’y promener, de voir un miracle qui vient d’arriver.
— Qu’as-tu vu, berger ? Oh ! qu’as-tu vu ?
— J’ai vu, dans la crèche, un petit enfant, sur la paille fraîche, qui dort tendrement.
— Y a-t-il plus, berger ? Oh ! y a-t-il plus ?
— La saint’ Vierg’ sa mère lui fait boir du lait ; Saint Joseph, son père, qui tremble d’effroi.
— Y a-t-il plus, berger, Oh ! y a-t-il plus ?
— Y a le bœuf et l’âne, tous les deux présents, avec leur haleine qui réchauffent l’enfant.
— C’est-t-il tout, berger ? Oh ! c’est-il tout ?
— Sont trois petits anges descendus du ciel chantant les louanges du Père éternel.
Hélas ! elles sont bien loin les heures où nous écoutions tout émus ces vieilles ballades.
La jeunesse s’est enfuie avec elles, pour faire place aux préoccupations de l’âge mûr.
Les fêtes de Noël, si lentes à poindre pour les petites têtes blondes qui les attendent avec tant d’impatience, arrivent bien vite et se succèdent bien rapidement pour les fronts que la cinquantaine dénude ou argente.
Et bien malgré tout, à chaque hiver qui me vieillit, quand revient ce jour béni entre les jours, cette nuit, un essaim d’émotions candides, de souvenirs joyeux et purs, se réveille et bat de l’aile au dedans de moi. […]
Louis Fréchette.
Le Franco-Canadien (Saint-Jean-d’Iberville), 29 décembre 1892.
Ci-haut, la crèche de l’église Notre-Dame-de-la-Garde, à Québec. Les personnages principaux, des figurines italiennes, ont plus de 50 ans et furent achetés aux Magasins Paquet, rue Saint-Joseph, dans le faubourg Sai8nt-Roch.