Contribution à une histoire du thé
Vous vous intéressez au thé, voici un texte éclairant sur l’histoire de cette boisson.
Depuis quelques années, de nombreux changements se sont opérés dans le commerce du thé. Au point de vue de la provenance, du mode de transport et des prix, il y a une profonde différence entre aujourd’hui et il y a vingt ans. Avant le percement du canal de Suez, quand tous les transports se faisaient par le Cap, les navires les plus rapides étaient employés à ce commerce.
Les exploits nautiques du Taeping, de l’Ariel et d’autres navires sont restés célèbres. Ils étaient alors les lévriers de l’Océan, naviguant à pleines voiles, au milieu des tempêtes, perdant, parfois, un mât, mais ne sombrant jamais. Conduits par des marins consommés et manœuvrés par des équipages d’élite, ils effectuaient la traversée de Chine avec une incroyable rapidité, et luttaient de vitesse pour gagner le prix de 500 livres (12,500 fr.) réservé au premier arrivé [à Londres].
Quoique les clippers aient disparu, la « course du thé » est toujours un événement dans Mincing Lane ; elle a maintenant lieu entre les vapeurs à grande vitesse. Le steamer Stirling Castle, par exemple, arrive à effectuer, en moins de 30 jours, la traversée de Shang-Haï à Londres. […]
La saison du thé commence vers le milieu du printemps, quand le thé nouveau, récolté en Chine, au mois d’avril et de mai, arrive dans la Tamise. Le thé des Indes n’est importé qu’en août et en septembre.
Lorsque les thés arrivent, on les transporte dans des magasins où on les classe par catégories pour la vente, en ayant soin de ranger ensemble les caisses de thé de même qualité. […] Dans les enchères, il est sous-entendu que l’acheteur du premier lot d’une cargaison a le droit de se faire adjuger le reste et, d’ordinaire, l’agent de vente le lui livre au même prix. Mais s’il laisse passer un lot, alors tout autre amateur peut se rendre acquéreur.
Jusqu’à ces derniers temps, la Chine fournissait de thé le monde entier ; mais les Indes et Ceylan [aujourd’hui le Sri Lanka] commencent à lui faire une redoutable concurrence. Déjà, en mai dernier, les Indes et Ceylan ont importé [sans doute veut-on dire exporté] plus de thé que la Chine, puisque la proportion est de 51 contre 49.
La dépréciation des thés de Chine provient de ce que les négociants chinois se croyant seuls capables de fournir le globe et voulant aussi satisfaire les courtiers européens qui leur demandaient une marchandise bon marché, ont envoyé ici, en grande quantité, des thés avariés et desséchés, réservant pour la Russie et pour eux-mêmes ceux de qualité supérieure.
Comme les Indes et Ceylan consomment très peu de thé et envoient par conséquent au même prix que la Chine des thés de meilleure qualité, il est probable que les importations de ces deux pays en Angleterre iront toujours en augmentant.
C’est en 1834 que le gouvernement des Indes a entrepris la culture du thé d’après les méthodes chinoises. On a reconnu que la culture la plus profitable était celle d’une variété de thé, intermédiaire entre le thé indigène des Indes et le thé chinois. […]
À Ceylan, il paraît que la culture du thé s’est encore plus améliorée qu’aux Indes. Au reste, les planteurs de Ceylan s’étant établis après ceux des Indes, ont eu le grand avantage de bénéficier de l’expérience de leurs devanciers, et d’éviter par là tout tâtonnement funeste.
Les thés de Ceylan ont beaucoup contribué à chasser les thés chinois du marché européen et maintenant il n’est pas de petite épicerie qui n’affiche à sa devanture le « thé de Ceylan ». […]
Disons, pour terminer, que la race anglo-saxonne est celle qui consomme le plus de thé, et que les Australiens en boivent plus qu’aucun autre peuple.
Le Canadien (Québec), 7 décembre 1887.
L’illustration du Taeping et de l’Ariel au coude à coude pour être le premier à Londres avec le nouvel arrivage de thé apparaît sur la page Wikipédia qui leur est consacrée.