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Une définition du merveilleux

En 1971, le département de sociologie de l’université Laval à Québec organise un colloque sur le merveilleux. La grand penseur Fernand Dumont pose d’entrée de jeu la problématique.

Voici les trois premiers paragraphes de son propos.

Le merveilleux : notion difficile, diffuse, dont nous discuterons tout au long de ce colloque. Étant donné le caractère sinueux que revêtiront fatalement nos entretiens, s’ils veulent respecter une réalité aussi fuyante, je m’interdirai tout naturellement de formuler, au départ, une définition précise, une définition de dictionnaire. Je voudrais plutôt procéder à une sorte de phénoménologie préalable ou, si on préfère, à une série de réductions progressives. Ces réductions seront largement hypothétiques et, par conséquent, ouvertes à la remise en question.

Le merveilleux suspend le cours habituel du quotidien ; il réveille la signification, il la fait ruisseler dans son étonnante présence. Il rupture l’enchaînement convenu des choses ou des événements ; il est surgissement d’une originalité, d’une jeunesse de leur sens. Des exemples viennent aussitôt à l’esprit. Le miracle paraît suspendre la liaison habituelle des causes et des effets pour révéler une finalité qui se dissimule d’ordinaire. Un paysage m’étonne et me paraît merveilleux parce qu’il brise avec la monotonie de l’environnement et m’annonce brusquement mon appartenance à la nature, au cosmos.

Mais ces exemples habituellement évoqués peuvent nous égarer. Ils suggèrent fallacieusement que le merveilleux se trouve dans des événements ou des choses extraordinaires. Nous savons bien, au fond, que ce n’est pas le cas. Des objets les plus simples dans un tableau, de banales galoches dans une peinture de Van Gogh, peuvent interrompre le cours des choses ; le geste le plus modeste peut interrompre le cours des événements. C’est évidemment sous un certain regard que se lève le mystère de ce qui est simplement là, que l’objet ou l’événement interrogent et que, selon la même mesure, ils signifient…

 

Fernand Dumont, « Du merveilleux », Le merveilleux, Deuxième colloque sur les religions populaires 1971, Québec, Presses de l’Université Laval, 1973, p. 5s.

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