Skip to content

Et qu’était donc ce transit de Vénus en 1882 (Premier de deux billets)

Le lendemain du constat que l’observation de ce transit à Québec fut un échec, le quotidien Le Canadien est heureux de proposer à ses lecteurs une solide réflexion sur cet événement.

Le passage de Vénus à travers le disque solaire qui s’est effectué hier est probablement l’événement astronomique le plus important du 19e siècle.

On a la meilleure preuve de la grande signification qu’on y attache, dans les sommes énormes que l’on a dépensées pour envoyer des observateurs sur tous les points du globe.

Pour le marin et l’explorateur, le résultat de ces observations leur fournira une détermination plus précise des distances lunaires, au moyen desquelles ils pourront trouver leur longitude.

Jusqu’à tout récemment les observations du passage de Vénus étaient considérées comme la méthode la plus parfaite de mesurer la distance du soleil à la terre, et l’on peut dire encore aujourd’hui que cette mesure est la meilleure.

L’on sait que le soleil occupe le centre du système planétaire, que la terre et Vénus sont deux planètes, que toutes les planètes tournent autour du soleil, et que l’orbite de Vénus se trouve plus rapprochée du soleil que celle de la terre. […]

Or, il arrive un moment où Vénus se trouve à passer directement entre la terre et le soleil et, comme sa course est plus rapide que celle de notre planète, elle semble traverser l’orbite même du soleil. C’est ce phénomène que l’on appelle en astronomie le passage de Vénus.

Or, se demande-t-on, comment se fait-il que, lorsque la lune se trouve à passer entre le soleil et la terre, il se produit une éclipse quelquefois totale du soleil et que Vénus, qui est un astre beaucoup plus grand que la lune, ne produit pas d’éclipse, à véritablement parler ? La réponse est bien simple. C’est que plus un corps est éloigné, plus il paraît petit à l’œil de l’observateur.

Or Vénus est beaucoup plus éloignée de la terre que la lune, c’est pourquoi elle nous paraît beaucoup plus petite. Ainsi lorsque Vénus traverse le disque du soleil, elle cache à notre vue un espace de cet astre lumineux d’autant plus petit que la lune nous paraît plus grande.

De fait, ceux qui ont observé le passage de cet astre hier, n’ont remarqué sur le soleil, au moyen d’un verre fumé, qu’une tache noire, quelque peu plus grosse qu’un marbre [une bille], et la diminution de lumière provenant du soleil est si insignifiante que l’on n’est pas convenu de donner le nom d’éclipse au passage de Vénus.

Autre question. Comment se fait-il que Vénus nous apparaissait hier comme une tache noire, au lieu de nous apparaître sous forme d’étoile brillante comme la nuit ? Comme notre planète, Vénus a ses jours et ses nuits. Le côté de l’astre tourné vers le soleil est éclairé par lui ; c’est le jour pour cette partie de la planète. L’autre partie qui s’offrait à nos regards ne recevant pas la lumière du soleil se trouve plongée dans les ténèbres, c’est la nuit pour cette autre moitié.

Et comme Vénus n’a pas comme nous de satellite, de lune, pour mitiger les ténèbres de ses nuits, on ne pouvait la voir autrement que comme une tache sur le soleil ; lorsqu’on la voit la nuit, son côté illuminé est plus ou moins tourné vers la terre, et c’est pourquoi elle nous apparaît sous forme d’étoile. […]

 

Le Canadien (Québec), 7 décembre 1882.

Demain : la seconde partie de cette réflexion.

Qui voudra faire un jour une histoire du ciel au Québec, la manière dont on nous le présente, la façon dont nous le vivons, devra consulter les journaux.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS