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Mon ami le bourdon encore dans l’actualité

Les scientifiques sont en train d’apprendre à travailler avec lui.

Ici, les généticiens Nicolas Gumpel et Benjamin Prud’homme, de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich et de l’Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy, rappellent d’abord que le monde biologique est plein d’irrégularités, d’imperfections, « que les physiciens qualifient de désordre ».

Les vivants doivent donc s’accommoder de ces imperfections, mais comment les exploitent-ils ?

Les deux chercheurs français citent un article de la revue Nature du 26 octobre dernier, où on dit avoir étudié l’apparence des fleurs et le comportement des insectes qui les pollinisent. En plus de leurs pigments, de nombreuses fleurs produisent des couleurs structurelles qui leur donnent un reflet particulier. Observées au microscope électronique, les cellules qui recouvrent les pétales de ces fleurs sont couvertes de stries parallèles d’un parallélisme approximatif par endroit, ce qui donne à l’ensemble « une sympathique note artisanale et une impression globale de désordre ».

Mais ces irrégularités ont-elles une influence sur la couleur des fleurs ? « Éclairées par la lumière blanche, ces nanostructures produisent une faible iridescence analogue à celle observable sur des bulles de savon. De plus, toutes les fleurs aux stries irrégulières produisent un halo bleu, visible lorsque les rayons lumineux arrivent avec un certain angle sur la surface des pétales. Afin de tester si le halo bleu provenait des irrégularités, les chercheurs ont fabriqué des fleurs artificielles qu’ils ont décorées de stries plus ou moins régulières. Cette modélisation biomimétique a mis en évidence que ce sont bien les imperfections des stries qui produisent le halo bleu. »

Et, ici, entre mon bourdon.

 Ce halo bleu pourrait-il produire un signal visuel exploitable par des insectes pollinisateurs ? Pour le savoir, les chercheurs ont collaboré avec des bourdons, auxquels ils ont proposé des fleurs artificielles striées présentant divers degrés de désordre à leur surface. Après quelques heures d’entraînement à reconnaître et à visiter ces fleurs artificielles, moyennant récompense ou punition (solution sucrée ou amère), les chercheurs ont constaté que les bourdons associaient exclusivement la récompense ou la punition au halo bleu. En l’absence d’irrégularités dans les stries, lorsque les fleurs artificielles ne produisent pas le halo bleu, les bourdons mettent plus de temps à apprendre à reconnaître les fleurs sucrées.

Les bourdons, comme beaucoup d’insectes, sont naturellement sensibles au bleu, couleur que peu de fleurs ont la capacité génétique et biochimique de produire par des pigments. À défaut de pigment bleu, les fleurs ont tiré parti des irrégularités de nanostructures qui décorent leurs pétales pour produire un halo bleu, que les bourdons détectent pour mieux localiser les fleurs.

Ce qui pouvait apparaître comme une imperfection ou un défaut de construction est finalement devenu un atout dans la communication entre les fleurs et les insectes, à la lumière de la sélection naturelle.

 

Nicolas Gompel et Benjamin Prud’homme, « De l’imperfection des fleurs naît le bleu », Le Monde (Paris), Science et Médecine, 22 novembre 2017, p. 7.

Voici ici le bourdon qui apprend à jouer au ballon.

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