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Qu’est-il donc arrivé à Saint-Alexis de la Grande-Baie ?

Nous sommes en bordure du Saguenay. Sur les rives se trouve aujourd’hui la ville de La Baie, une partie de la grande ville de Saguenay. Mais nous voilà en 1884.

Le cinq du courant, toute la population du village de St-Alexis de la Grande-Baie était dans l’émoi. En effet, ce jour-là, le Grand Maître, Celui qui souffle les vents et calme la tempête, avait donné son commandement à la mer ; et le flot impétueux obéissant avec docilité, submergea toute la partie du village située sur le littoral de la baie.

Jamais de la connaissance des personnes les plus âgées de la place, la marée ne s’est fait sentir aussi forte. En certains endroits, elle s’est avancée jusqu’à trois arpents [un peu plus de 175 mètres] plus loin que la ligne ordinaire des marées de novembre.

Douze maisons ont été évacuées. L’eau, étant parvenue dans ces demeures jusqu’à une hauteur de trois ou quatre pieds, força les habitants à déloger bon gré mal gré. Les lits, les tables, et autres articles de ménage, dérangés de leur poste habituel, flottaient çà et là au gré des vagues qui venaient battre les murs intérieurs et s’élevaient jusqu’au milieu des fenêtres.

La panique devenait de plus en plus sérieuse. […] La marée continue à monter ; la voilà qui s’étend jusqu’aux étables de M. Blais et qui couvre toute la rue à partir de l’église jusqu’à l’extrémité du village. De sorte que, dans tout ce parcours, on pouvait naviguer avec des chaloupes. Les quais sont en flotte, les habitations ébranlées, le bois de chauffage, piles de planches, etc., tout part à la dérive.

Les employés de M. Blais ont déployé dans cette circonstance beaucoup de zèle et de bonne volonté pour secourir les amis éprouvés. Ils s’occupèrent pendant tout le temps de la marée, malgré le froid et la neige, à transporter les effets et marchandises exposés au courant dévastateur ainsi que les animaux en danger. Ce n’est, bien entendu, qu’avec des embarcations qu’ils ont pu opérer ce sauvetage.

À quatre heures et demie, la marée était à son comble et aussi l’effroi des vieillards, des femmes et des enfants. Mais, à ce moment, le reflux commença à s’effectuer et chacun se rassura.

Les pertes ont été plus considérables qu’on ne l’avait cru d’abord. L’eau ayant pénétré dans les caves du magasin de M. Blais a dévasté pour au-delà de cinq cents piastres de groceries [anglicisme souvent utilisé alors pour désigner des provisions, la plupart du temps alimentaires]. Les quais ont aussi été endommagés dans plusieurs endroits.

Bon nombre de particuliers qui demeurent dans la partie submergée ont perdu, les uns pour 25, d’autres pour 30 jusqu’à 50 piastres.

Heureusement que, ce jour-là, les vents du nord-est n’ont pas soufflé comme cela arrive très souvent et avec beaucoup de violence ; nous aurions assurément à déplorer quelques désastres.

Bien à vous.

UN CITOYEN.

 

Le Courrier du Canada (Québec), 12 novembre 1884.

La photographie de Saint-Alexis de la Grande-Baie en 1898 est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Collection initiale, Photographies, cote : P600S6,D5,P561.

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