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Voilà maintenant qu’un cercueil descend du grenier…

La maison est sans doute hantée.

Le faubourg de Wilkes-Barre, habité par les ouvriers employés dans les mines Stanton, est dans la terreur et la consternation par suite de prétendues apparitions périodiques du spectre d’une jeune femme dans une maisonnette de Loomis Street, et ce spectre a cela de particulier qu’il ne se montre qu’en plein jour.

La maison hantée est habitée depuis trois semaines par de jeunes mariées du nom de Stiebel, qui jouissent d’une très bonne réputation. Le mari travaille dans les mines et la femme tient un débit de tabac et un magasin de sucreries au rez-de-chaussée,

Or, jeudi dernier, entre onze heures et midi, Mme Stiebel, qui était seule dans la maison, était occupée à faire son lit dans une chambre située au-dessus du magasin, lorsqu’elle a entendu un bruit étrange. Levant les yeux vers le plafond, la jeune femme atterrée a vu descendre lentement un cercueil de bois noir comme de l’ébène. On eut dit qu’il venait du grenier et qu’il était attaché à une corde invisible. Arrivé à deux pieds environ du plancher, le cercueil s’est arrêté, suspendu en l’air. Il était ouvert, et à l’intérieur était étendue une jeune femme d’une pâleur livide, enveloppée d’un linceul noir, les mains croisées sur la poitrine et tenant un bouquet.

Tout à coup, le cercueil s’est évanoui et le spectre de la jeune femme s’est dressé devant Mme Stiebel. Celle-ci, tremblant de tous ses membres, est tombée sur le lit, ne pouvant détacher ses yeux du visage du spectre silencieux. Au mur de la chambre, étaient accrochées deux ficelles dans lesquelles étaient enfilées des bobines formant une espèce de jouet que l’on donne aux enfants.

Le spectre ayant aperçu ces jouets a ordonné à Mme Stiebel d’en décrocher un comprenant trois bobines, de détacher deux des bobines et de les jeter au feu, et de conserver précieusement la troisième. La jeune femme épouvantée a obéi sans même se rendre compte de ce qu’elle faisait. Elle a jeté les deux bobines dans le feu et le spectre s’est évanoui aussitôt.

Mme Stiebel est tombée sans connaissance près du poêle, et son mari en rentrant pour dîner a d’abord cru qu’elle était morte. Il n’a pas tardé cependant de lui faire reprendre l’usage de ses sens, et Mme Stiebel a raconté alors son étrange aventure.

Comme Stiebel devait retourner aux mines, il a fait part à ses voisins de ce qui était arrivé chez lui et quatre ou cinq femmes du voisinage ont consenti à passer l’après-midi avec Mme Stiebel en cas que le spectre revint.

Il n’a pas reparu ce jour-là ; mais il est revenu le lendemain matin pendant que Mme Stiebel était encore seule et l’a obligée cette fois à descendre à la cave et à creuser un trou jusqu’à ce qu’elle eût déterré un bas bourré de vieux papiers. Le spectre a ordonné ensuite à la jeune femme de brûler ces papiers, comme elle avait brûlé la veille les bobines, puis il a disparu.

Non seulement tout le monde croit à ces histoires dans le quartier, mais encore elles y causent une grande sensation, et il est question de faire fouiller dans la cave pour voir s’il n’y aurait pas quelqu’un d’enterré. Détail à noter, la famille qui occupait précédemment la même maison l’a quittée il y a quatre ans, à cause de prétendues apparitions du même genre et, depuis lors, personne n’avait osé la louer.

 

La Patrie (Montréal), 12 novembre 1890.

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