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Mais le poète, triste de voir s’envoler l’été, s’y fait

Âgé de 44 ans, il sait depuis un moment qu’après le temps libre estival, il faut se ré-atteler.

Allons ! nous voilà revenus à la ville, et, de nouveau, nous allons reprendre le bât sacré du travail, la tâche de chaque jour virilement accomplie.

Faisons assez de choses d’ici à juillet prochain pour mériter d’aller nous ébattre encore pendant trois mois dans le ravissant séjour du far niente, du far niente à l’eau salée, bien entendu, car celui de l’eau douce est un insipide et incolore habitacle qui ne vaut pas un seul de nos désirs.

Donc, nous allons travailler ferme pendant neuf mois encore ; c’est le terme extrême au bout duquel nul mortel sur terre n’aura le droit d’exiger de nous seulement une virgule. Mais quels prodiges littéraires nous allons accomplir pendant ces neuf mois ! Vous ne tarderez pas à voir cela, chers lecteurs, et vous surtout, chères lectrices, qui pensiez déjà à être inquiètes ; vous nous croyez peut-être un peu ramolli, du moins fatigué par les excès de… la convivialité, eh bien ! vous allez nous trouver aussi jeune qu’il y a vingt ans, capable d’enfanter et de créer encore jusqu’à l’inouïsme.

Si l’on nous invite à dîner chez quelque honnête famille dans le cours de ces neuf mois, nous accepterons, bien entendu ; j’ai vu un temps, croyez-le, je vous en prie, où je ne savais pas du tout où je pourrais dîner le soir ; ça sera à titre de compensation.

Si même nous recevons de temps à autre un billet ainsi conçu : Madame X ou Trois Étoiles prie M. Buies de lui faire le plaisir de venir passer la soirée chez elle le… le… n’importe quoi ; nous lui ferons ce plaisir avec empressement et nous nous rendrons aimable, parce que cela est dans notre nature ; mais, en dehors de cela, pas de temps perdu, pas de faiblesses, pas de déraillements, pas de ….. vous avez ?…….

Bien, voilà qui est compris. Aidez-moi à remplir ce programme héroïque, lecteurs de la Patrie ; vous aurez fait une œuvre méritoire, « et le bon Dieu vous bénira », comme dans la chanson ; moi aussi.

Arthur Buies.

 

La Patrie (Montréal), 13 octobre 1884.

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