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Me voici avec une invasion de Belles-Dames

Elles sont partout. Je serais incapable d’en donner le nombre. Qu’est-ce que cette histoire ? Des papillons québécois migreraient ?

Mon ami Nicole, naturaliste en Montérégie, m’écrivait le 12 septembre (et voir son commentaire attaché à ce billet) : Par voie du ciel, la vie s’est invitée dans le jardin. Une cinquantaine de Belles-Dames (Vanessa cardui, Painted Lady) sont soudainement arrivées. Tous ces papillons à butiner ici et là. Un spectacle fascinant.

Dans un courriel personnel, Nicole me dit qu’elle a aussi connu, voilà quelques années, une invasion de Vulcain (Vanessa atalanta rubria, Red Admiral).

Ne sachant rien de la migration possible de nos papillons autrement que celle du Monarque, je n’ai pu m’empêcher de lui répondre que ses nombreuses Belles-Dames tiennent peut-être d’un regroupement en migration.

Et me voici à mon tour avec une pareille invasion. Y aurait-il donc parmi nos papillons des migrateurs ? Jamais les médias ne parlent de ça. Et les guides québécois d’identification des papillons n’en sont guère bavards.

Tout de même, dans Les Papillons du Québec (Montréal, Éditions de l’homme, 1986, p. 45), Christian Veilleux et Bernard Prévost écrivent au sujet de la Belle-Dame : C’est le papillon le plus répandu au monde. Grâce à ses migrations, il a réussi à franchir presque tous les continents.

Dans son guide Les Papillons du Québec (Saint-Constant, Éditions Broquet, 2011, p. 163), à propos de la Belle-Dame, Louis Handfield a ces mots : Ce grand migrateur (il a déjà visité le Groenland et l’Islande) est commun au Québec, mais sa densité varie énormément, une année d’abondance étant toujours suivie d’une année de rareté. Souvent rare, il peut même être absent certaines années comme ce fut le cas en six occasions entre 1971 et 1982 dans le district d’Ottawa. On note aussi des années d’abondance comme en 1979 dans le district d’Ottawa, aux Îles-de-la-Madeleine aussi en 1979, en 1991 dans la grande région de la Baie-James et en 1992 où on l’a vu partout même sur les plus hautes montagnes, telles le mont Albert et le mont Jacques-Cartier en Gaspésie et dans le nord du Québec. […] Toutefois, l’année 1973 semble à ce jour l’année de sa plus nombreuse migration au Québec.

Cela dit, où s’en va-t-il ? N’est-il que simple explosion de vie ? Dans Hanfield, on trouvera des détails également sur les migrations de la Vanesse de Virginie et du Vulcain, deux papillons de la même famille que le Belle-Dame.

Le 21 août 2012, un site internet de Canoe.ca affirme qu’outre le Monarque, la Belle-Dame, la Vanesse de Virginie et le Vulcain migrent également à l’occasion, en périodes de forte augmentation des individus et de saisons chaudes.

Dans son ouvrage en langue anglaise — An obsession with Butterflies. Our long love affair with a singular insect, Perseus Publishing, Cambridge, Massachusetts, 2003— la naturaliste du Nouveau-Mexique Sharman Apt Russell nous offre quelques pages sur les papillons migrateurs. Selon elle, on trouve de ces papillons dans les pays où l’été et l’hiver sont très contrastés, ou encore l’année est tantôt fort humide tantôt fort sèche. Des migrations surviennent de manière irrégulière là où il y a des explosions de population, du surpeuplement et de la compétition alimentaire.

Pour cette naturaliste, la Belle-Dame est le papillon le plus commun sur Terre et le plus abondant. On évalue leur nombre à des centaines de millions d’individus de l’Afrique à la Finlande et du Mexique au Canada.

Et on remarque, toujours selon Apt Russell, que les plus grands migrateurs dans l’univers des papillons sont ceux qui ont l’espérance de vie la plus longue, car ils ont besoin de temps.

La page Wikipédia de la Belle-Dame affirme qu’il serait le plus grand papillon migrateur connu. En Hongrie, il a son timbre, comme aux îles Féroé.

Mon amie Nicole me fait parvenir la fiche technique en PDF sur la Belle-Dame, document du ministère québécois de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation : Fiche technique Vanessa_Final

Vous trouverez ici, sur ce site, plus de 150 billets sur les papillons.

Et, chères et chers ami-e-s, informez-nous si vous en avez beaucoup dans votre coin de pays, ça donnerait une idée de l’étendue de la migration. Un commentaire n’est pas nécessaire, seulement un avis du lieu où vous habitez à cette adresse : blogue@jeanprovencher.com. Merci à l’avance. Pour l’instant, la migration en grand nombre de la Belle-Dame est donc présente en Montérégie et dans les Bois-Francs, au sud du Saint-Laurent.

* * *

Nous vivons une saison d’été incroyable cette année. Les médias, y compris les sociaux, demeurent à peu près complètement muets à ce sujet, occupés qu’ils sont, distraits tout à fait, à nourrir les bruits qu’ils croient être la vraie vie, alors que tout se passe ailleurs. Chez moi, pourtant un si humble lieu de paix, qui laisse libre cours à d’infiniment petites manifestations calmes, on constate en quelques semaines l’arrivée d’un tout nouvel insecte au Québec, le Cisseps à col orangé, la fraternité qui s’est développée chez les Tyrans tritri et les Jaseurs des cèdres au moment où ils étaient ensemble dans le nid, et maintenant la grande migration des Belles-Dames, comme chez mon amie Nicole, en Montérégie. La vie est ailleurs que dans les pages de journaux ou les écrans de télé, d’ordinateur, de tablette numérique ou de téléphone dit intelligent.

16 commentaires Publier un commentaire
  1. Nicole Richer #

    Bon matin,

    La grande migration de Belle-Dame dont je vous ai écrit en début semaine, m’a rappelé un événement noté dans mon carnet le 12 mai 2012 : ‘Des milliers de papillons Vulcain arrivent du Texas transportés par un doux vent vers l’Ontario. Des centaines de Vulcain sont arrivés dans le jardin.’

    Étonnant le grand nombre de Belle-Dame hier !

    Superbes photos !

    17 septembre 2017
  2. Jean Provencher #

    Désormais, je vais aussi avoir à l’œil le Vulcain.

    Merci infiniment, chère Nicole, de m’avoir mis sur la piste de la connaissance des migrations de quelques-uns de nos papillons, dont cette Belle-Dame mondialement connue, sauf en Amérique du Sud, semble-t-il.

    Mais j’ai l’impression que c’est un territoire qu’elle va visiter un de ces jours, aventurière qu’elle est.

    Beau dimanche à vous. Et demeurons aux aguets.

    17 septembre 2017
  3. Pierre Legault #

    Bonjour Jean

    La migration de vanessa cardui de cette année est impressionnante mais n’est pas un phénomène nouveau . Il survient a tous les 5 a 10 ans environ. Cette année, les premiers spécimens nous sont arrivés des USA ( Maine-Vermont-New-York) ainsi que du nord-est Ontarien vers la fin juin , ont pondus dans leur plante-hote, pour nous donner une 1er génération d’adultes vers la fin juillet . L’espece remonte vers le nord du continent Nord Américain a toutes les années mais ne parvient pas toujours au Quebec freiner par les conditions météo du moment. De nombreuses vanessa cardui avaient été observés en Montérégie et autour de Montréal a ce moment la. Celles-ci se sont reproduites a nouveau et ont pondues dans les grands champs de soja partout dans la zone d’agriculture de la vallée du St-Laurent..

    des informations ici : https://www.agrireseau.net/rap/documents/95721/grandes-cultures-avertissement-no-26-12-juillet-2017?s=1184&page=3 sur le RÉSEAU D’AVERTISSEMENT PHYTOSANITAIRE ( RAP) aller a …. grandes cultures avertissement no:26 , 12 juillet 2017

    Ce que l’on vit et voit en ce moment , c’est la migration de retour Nord/Sud . Ces vanessa cardui retournent au centre des USA pour se reproduire a nouveau… L’hiver les repoussera encore plus au sud, et la génération suivante descendra encore plus loin vers la chaleur , et le cycle continue ainsi sans fin, a toutes les années. Elles remonteront au nord au printemps 2018 .

    Le pic de la migration a peut-etre été atteint en fin de semaine. Samedi, vers 11h30 , autoroute 40 , entre Trois-Rivieres et Louiseville, sur pres de 50km, des millions de spécimens circulaient d’est en ouest et frappaient les véhicules par centaines. Et ici a Pointe aux Trembles, dimanche, dans ma cour, j’ai évaluer a 3 a 5 papillons au 10 secondes pendant pres de 6hres de temps, ce qui représente pres de 8000 specimens qui sont passés. Tout un spectacle.

    Pierre Legault (entomologiste) pierre.chantal@videotron.ca

    18 septembre 2017
  4. Jean Provencher #

    Merci infiniment, cher Pierre, de nous éclairer ainsi ! Formidables toutes ces informations ! Il faudrait, ma foi, que vous preniez la parole dans les médias à ce sujet.

    C’est tellement une belle histoire !

    Merci infiniment d’avoir pris le temps de nous la faire partager !!!!!

    18 septembre 2017
  5. Nicole Richer #

    M. Legault,

    Merci beaucoup pour toutes ces informations intéressantes.
    Vous avez donné réponses à plusieurs de mes interrogations concernant cette migration.

    Est-ce que ce cycle sans fin est identique pour le Monarque et le Vulcain qui sont eux aussi de grands migrateurs ?

    18 septembre 2017
  6. Bonjour, combien ces lignes sont captivantes. Je rentre tout juste d’une promenade en zone rurale ici à Aylmer-Nord et je me demande si je n’ai pas observé, sans le savoir, ces Belles-Dames. Comme elles portent bien leur nom!

    Je vais ouvrir l’oeil à la prochaine occasion!

    Merci!

    20 septembre 2017
  7. Jean Provencher #

    Et, dites, prévenez-nous si vous en voyez. Elles en seraient peut-être en ce moment à leur départ vers le Sud. Mais elles auront du beau temps pour le voyage, ça rassure.

    Pour les observer, jetez un œil sur les terrains en friche, là où il y a encore des fleurs, comme l’aster (blanche, mauve ou bleue) ou le Léontodon d’automne, qui s’apparente au pissenlit.

    20 septembre 2017
  8. Pierre legault #

    Bonsoir Jean.. Bonsoir Nicole et tous les autres amants de la nature.

    La question était:
    Est-ce que ce cycle sans fin est identique pour le Monarque et le Vulcain qui sont eux aussi de grands migrateurs ?

    Il faut comprendre que le monarque est un papillon de la famille des danainae, groupe habitant généralement les tropiques . La colonisation de l’Amerique du Nord par l’homme blanc amena les routes , les chemins de fer et les espaces ouvertes et defrichées , et tous cela a permis a la plante hote, l’aslépiade de se répandre tres haut vers le nord. Qui connait un peu cette plante et ses grosses cocottes de graines enrobées d’un parachute de duvet blanc comprend que la dispersion et la répartition de l’aslépiade fut modifier par l’arrivée des colons. . L’espece danaus plexippus ( monarque) a suivi l’avancé de sa plante hote en colonisant toujours plus loin, en utilisant plusieurs générations d’adultes successives ,qui avancent vers le nord chaque année, synchroniser avec la sortie de terre des petits plants d’aslépiade, nécessaire pour la ponte de leurs oeufs,…. mais au retour du froid automnal, a toujours du se replier vers le sud pour assurer sa survie. Des petits voyages au tout début qui sont devenus au fil du temps de plus en plus long pour en faire une migration annuelle imposante de tous les spécimens nés au nord en fin aout , début septembre. Et c’est au Mexique, en Floride et sur la cote ouest qu’ils y trouvent refuge pour l’hiver . En mars de chaque année, ils s’accouplent et les femelles remontent vers le nord et le cycle recommence. Il faut 3 a 4 generations successives pour que le Quebec recoivent ses premiers arrivants habituellement en fin juin , début juillet. Certaines années, il arrive que nous aillons 2 générations ici au Quebec si le temps chaud le permet et ce sont ceux de la derniere génération qui migrent et qui quittent pour le sud. Il faut comprendre ici qu’il y a des monarques a l’année longue plus au sud et qu’ils n’ont pas tous cette longue migration a faire.

    Alors oui, le monarque a lui aussi un cycle sans fin si on peut dire.

    La vanessa atalanta ( vanesse amiral ou vulcain ) nous arrive elle aussi au début de l’été des régions plus au sud ( nord-est américain , région des grands lacs, Ontario) . Je dirais que la grande différence entre elle et la belle-dame est que la vanesse amiral nous visite a tous les ans contrairement a la belle-dame qui elle peut etre absente durant quelques années avant de réapparaitre a nouveau.
    J’ai ici dans ma cour un coin (5pi x 5pi) avec une belle grosse talle d’orties , la plante hote de vanessa atalanta , et a chaque année, je me retrouve avec des dizaines d’oeufs pondus par des migrateurs venus du sud. Mes plants sont constamment dévorés par des chenilles de cette espece et je peux voir des adultes toute l’été se balader dans mes fleurs. On peut voir de grand mouvement migratoire venant du sud de cette espece en fin mai et début juin, ou lors des premieres grandes chaleurs de juillet. Des millers d’individus a la fois qui arrivent en tres mauvaise état , apres une longue ballade. A l’automne, soit que les individus nés ici ne repartent pas et meurent ici, ou qu’a l’arrivée des premiers froids, la vanessa atalanta amorce une migration automnale , par des individus isolés et non en regroupement spectaculaire comme la belle-dame.

    Au plaisir! Pierre

    20 septembre 2017
  9. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, cher Pierre, merci beaucoup !

    20 septembre 2017
  10. Nicole Richer #

    M. Legault,

    Un grand MERCI pour votre réponse ! Cette information sera gardée précieusement dans mon carnet.

    Je peux vous assurer que le printemps prochain, je vais faire une grande place aux orties sur mon terrain au lieu de les enlever chaque année. De plus, je vais ajouter des asclépiades à ma collection de fleurs.

    Merci beaucoup ! Bonsoir !

    20 septembre 2017
  11. Nicole Richer #

    M. Legault,

    Dans mon commentaire précédent, j’ai oublié de vous demander s’il existe en français ou en anglais un livre sur les chenilles. Le livre de référence que j’utilise ne traite pas des chenilles poilues avec ou sans balais.

    Ce type de chenilles est commun dans le jardin, j’aime bien les prendre en photo mais souvent incapable d’identifier le papillon à venir.

    Merci !

    20 septembre 2017
  12. Pierre legault #

    Bonsoir
    A mon avis, un des meilleurs livres serait celui ci:
    Caterpillars of Eastern North America: A Guide to Identification and Natural History Paperback – Aug 14 2005
    by David L. Wagner (Author)
    ..pas trop cher

    de toute facon, il me fera plaisir de vous renseigner pour toutes questions concernant les papillons du Québec ( chenilles, habitat, mode de vie, espece, identification,ect) Vous n’avec qu’a m’écrire a l’addresse émail ci-dessous. Pierre

    21 septembre 2017
  13. Céline Chaumont #

    J’ai observé des belles-dames à Ville-Marie, au Témiscamingue, le 3 octobre, dans des asters.

    16 octobre 2017
  14. Jean Provencher #

    Ah, merci, merci, merci de votre témoignage, chère Madame. Je ne suis sans doute pas le seul, mais je demandais d’où, plus au nord, ces Belles-Dames étaient parties. Et c’est bien, vraiment, de savoir qu’en partie, elles ont quitté depuis chez vous. Merci beaucoup.

    16 octobre 2017
  15. Mario Gervais #

    Pour ajouter aux nombreux commentaires, hier le dimanche 15 octobre, j’ai observé une Belle-Dame chez moi, à Béarn. Puis aujourd’hui, le lundi 16, une autre au coeur du village de Lorrainville, également au Témiscamingue… Sans doute étaient-elles présentes en plus grand nombre plus tôt en saison…? Cela dit, ce sont là mes toutes premières observations de ce lépidoptère, qui s’avère être un champion en terme de migration !

    16 octobre 2017
  16. Jean Provencher #

    Merci, cher Mario. Ces observations enrichissent le grand tableau de sa présence.

    17 octobre 2017

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