Skip to content

À Montréal, la chroniqueure Madeleine est en furie

Anne-Marie Gleason (1875-1942), sous le pseudonyme de Madeleine, intitule sa chronique « Nos petits meurent ».

On sait maintenant depuis plusieurs années que, lorsqu’arrive le temps estival, beaucoup d’enfants des villes meurent au Québec de dysenterie, de diarrhée verte venue de la mauvaise qualité du lait.

Or, à Montréal, en mai 1910, le docteur Dubé, au nom de la Crèmerie Laval, demande à la ville « la permission d’établir dans les parcs les plus fréquentés des kiosques où se distribuerait aux mères pauvres le lait généraux qui sauve, et où des nurses d’expérience, absolument dévouées, aideraient, par leurs sages conseils, à l’éducation maternelle ».

On répond à la ville qu’on admire cette démarche, mais qu’on ne peut pas « accéder à la prière qui leur était faite parce que l’espace que l’on pouvait consacrer à de tels kiosques était déjà loué des débitants de liqueurs rafraîchissantes, etc. »

Madeleine n’en revient pas ! N’est-ce pas une misère vraiment de s’entendre répondre de telles palinodies, quand toute l’enfance d’un peuple prolifique, Dieu merci, et je présume que M. le Dr Dubé qui parlait au nom de la Crèmerie Laval a dû subir le même cruel désappointement, par le fait de ce refus, et pour quel motif ! Alors que ceux qui veulent, et au prix de tous les dévouements, sauver nos petits qui meurent comme les mouches, nous entendons dire qu’on refuse l’offre généreuse qui permettrait à ces vendeurs de sauver tant de bébés. […]

Cette réponse, vraiment, n’est guère à l’honneur de nos commissaires qui ont sous un tel prétexte refusé l’offre si grande et si humanitaire du Dr Dubé ; il ne faudra pas se laisser leurrer par ces regrets de notre haut conseil, quand les berceaux se videront, quand les fossoyeurs ne cesseront pas de creuser des trous noirs pour les petits cercueils blancs, quand les mères crieront leur désespoir, quand la race toute entière protestera. Ce sont eux, ceux-là même que le peuple a choisis comme des sauveurs, qui auront refusé d’accomplir un acte d’humanité sans autrement nuire aux intérêts des parcs et des squares. […]

Comme femme, comme mère, je proteste contre cet acte qui refuse à la Goutte de Lait le moyen d’atteindre facilement les petits, les humbles, car je sais trop la souffrance des pauvres jeunes femmes qui voient chaque été s’envoler le petit ange venu du ciel dans un rayon printanier, l’enfant rose et blond que le destin a bientôt pâli et enveloppé de ses voiles sinistres.

Madeleine.

 

La Patrie (Montréal), 16 mai 1910.

À quand, vraiment, une véritable histoire de nos enfants d’ici, une histoire autre que développement théorique, une histoire qui a prise sur le réel de l’époque ?

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS