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La Tunisie à Québec

Le Salon international du livre de Québec dispose de ce qu’il appelle l’Espace de la diversité, un lieu de rencontres et d’échanges où les visiteurs du Salon ont accès à une littérature d’un pays riche, et souvent méconnu. Cette année, 24 grands noms — 14 écrivaines et écrivains, et 10 éditeurs, toutes et tous de Tunisie — occupaient l’Espace. J’ai eu le bonheur de placoter longuement avec Moncef Ghachem, Samir Marzouki et Moncef Ouhaibi.

Dans son mot de présentation, l’éditeur de Moncef Ouhaibi écrit :

Moncef Ouhaibi, né dans la région de Kairouan en Tunisie en 1949, fait partie de ces hommes dont le cœur a commencé à battre lorsque celui de [Federico Garcia] Lorca s’est arrêté sous la mitraille fasciste. Et qu’importe si nous n’étions pas nés : pour les poètes de cette trempe, la mise à mort du « rossignol de Grenade » est l’une des portes d’entrée dans le monde contemporain.

De Moncef Ouhaibi, voici :

Le chat andalou

 Un chat andalou regardant à travers un cristal noir

Nous poursuivait toute la journée à travers Grenade

Nous errions dans l’Albaicin

Il errait

Nous gravissions les escaliers de pierre

Il faisait de même

Nous descendions

Il descendait

Nous traversions le fleuve Darro

Il traversait

Nous gravissions la pente

Vers l’Alhambra

Il en faisait de même

Nous nous poussions des ailes à partir des arabesques d’Abi Abdallah

Il s’en procurait des ailes

Nous allions devenir des oiseaux

Il nous imitait

Qui aurait parler de nous à ce chat andalou ?

Et pourquoi nous suivait-il ?

Quand nous fûmes rentrés pour notre première nuit

Quand nous défonçâmes notre première forêt

Et fîmes un lit de feuillage

Nous sautions — dans les ténèbres — d’une branche à l’autre

Cette peau bleue, est-ce la tienne ou la mienne ?

Cette voix

Est-ce l’écho de la chatte ou le nectar des abeilles ?

 

Cette fourrure sous le nombril

Est-ce celle d’un félin ou d’un écureuil ?

Nous étions dans le premier langage de glaise

À nous défaire des lumières de nos corps

Et nous pénétrions dans les entrailles de la terre

Nous allions nous métamorphoser en oiseaux

Quand le chat andalou ouvrit la porte

Traînant une queue aussi bleue que la nuit.

 

Traduit par Abdelmajid Youssef.

Moncef Ouhaibi, Que toute chose se taise, Paris, Éditions Bruno Doucey, 2012, p. 55-57

La photographie de Moncef Ouhaibi (Steka Film] provient du site des éditions Bruno Doucey.

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