Skip to content

Un perroquet mal élevé

L’histoire se passe à Chicago.

M. Honoré Palmer, conseiller municipal, fils de Mme Potter Palmer, la « leader » de la société de Chicago, se présentait, hier, devant la cour.

Il se plaignait d’avoir été trompé dans un marché. Le défendeur était un marchand d’oiseaux, et l’objet du marché, un perroquet.

Un bien modeste perroquet, le plumage peu fourni, et ce qu’il en avait d’un vert terne, de couleur presque passée, Mais si le perroquet n’avait rien de spécialement séduisant comme aspect, son « ramage » était sensiblement supérieur à son plumage. C’était, du moins, le dire du marchand qui l’avait vendu à M. Honoré Palmer. Cet oiseau, avait-il déclaré, avait un vocabulaire de 75 mots, et tarifant le mot à un dollar, le marchand avait vendu le perroquet $75.

Devant la cour, M. Palmer a déclaré que si le perroquet savait 75 mots, en tous cas il ne faisait pas usage de tout son vocabulaire, car, depuis trois semaines qu’il l’avait en sa possession, il ne lui en avait entendu prononcer que trois. Le juge, non point par curiosité, mais pour éclairer la religion du tribunal, demande à connaître ces trois mots. M. Palmer déclara que le respect qu’il devait à la justice, autant que celui qu’il se devait à lui-même, l’empêchait de les répéter.

Le cas devenait embarrassant. Le juge a décidé qu’on ferait comparaître le perroquet. Et le perroquet fut amené devant le tribunal.

Sitôt l’oiseau arrivé devant la cour, M. Palmer, de sa voix la plus suave, pour ne pas froisser les sentiments de susceptibilité du perroquet, commence à lui parler : « Polly, Polly ».

On entendit alors une voix formidable, une voix de rougomme, qui répondait : « Allez au diable ».

La cour a déclaré que la déposition du témoin était terminée. Le marchand d’oiseaux pour sa défense a eu beau déclarer que « Polly » était fantasque et ne produisait pas tout son répertoire d’un seul coup, au milieu d’une hilarité générale, le juge l’a condamné à rembourser à M. Honoré Palmer les $75 qu’il avait reçus tandis que « Polly » qu’on emmenait continuait à crier d’une voix formidable : « Allez au diable ! Allez au diable !

 

Le Canada (Montréal), 21 mars 1905.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS