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À Montréal, le bonheur des gueux

Simone Voisine

La «Noël des gueux», voilà bien comment l’on pourrait intituler la fête de mardi à la «Old Brewery Mission».

On voyait toute sorte de monde à cette table du pauvre ouverte à tous : des Anglais, des Canadiens-français, des Écossais, des Irlandais, des Métis, des gens qui sortaient de prison, d’autres qui avaient des chances d’y retourner le soir même. Mais tous se confondaient en une même ardeur à manier la fourchette, engouffrant, comme par magie, poulet, plum-pudding, oranges, café. On songeait aux vers magnifiques de Botrel :

………… et les riches

Dormiront en repos

Tant que les gueux auront des miches

Où planter leurs couteaux.

 

Au-delà de six cents convives avaient profité du dîner l’année dernière. Le nombre fut moins considérable, hier, en raison de la tempête de neige qui sévissait.

Il avait tout de même fallu 560 poulets pour remplir le menu, 200 livres de roast-beef, 10 jambons, 7 poches de patates, 5 poches de navets, 200 livres de plum-pudding et des gallons et des gallons de café.

Chacun de ces convives reçut aussi, au départ, un sac contenant une orange et une pomme.

Tous ces hommes chantaient ou riaient, pénétrés par l’atmosphère chaude de sympathie de la pièce. Plusieurs durent prendre la résolution de travailler ferme pour se soustraire à la misère.

La scène la plus intéressante fut celle des confessions, les ivrognes racontaient leurs déboires, les vagabonds et les voleurs avouèrent tous les mauvais coups qui les avaient fait avoir maille à partir avec la police. Tous paraissaient contrits et le spectacle était vraiment couchant.

Hier soir, à 9 heures, 113 lits avaient été vendus à tous ces batteurs du pavé. L’an dernier, à la même heure, le chiffre s’élevait à 123. Les gueux s’y endormirent du sommeil du juste, après avoir donné une poignée de main émue aux personnes charitables qui dirigent avec tant de zèle l’Old Brewing Mission.

À la Protestant House of Refuge, rue Dorchester, 140 dîners ont été servis aux miséreux.

Comme le repas commençait à midi juste, un convive faisait remarquer à ses voisins qu’ils auraient tout le temps d’aller goûter aussi à la cuisine de la «Brewery Mission», puisque le dîner était fixé à deux heures à cet endroit.

 

La Patrie (Montréal), 27 décembre 1906.

La belle dame ci-haut, sur une photographie proposée par Caroline Grégoire du journal Le Soleil, est mon amour. Je vais vous dire : En amour avec une femme pareille, on est à l’abri d’une peine d’amour. Elle est entrée chez les Sœurs de la Charité précisément l’année de ma naissance. Nous nous sommes encore parlé près d’une demi-heure hier avant-midi. La dernière fois que nous avons pu nous tomber dans les bras, c’est lors du dernier spectacle de mon grand ami Jacques Bertin en octobre; un amie à elle, sans doute la connaissant bien, avait eu l’amour et l’intelligence d’aller la chercher à sa maison de retraite à Beauport, et savait qu’elle aimerait. J’ai remercié cette grande amie à elle de cette démarche.

Quoi vous dire de Simone ? Elle nous est précieuse à toutes et à tous. On s’ennuierait follement si elle partait. Les vingt dernières années de sa vie, elle les a beaucoup vécues à la soupe populaire de la communauté des Sœurs de la Charité de Québec, boulevard Honoré-Mercier, tout juste à la porte du Vieux-Québec.

Elle lit, elle est à la fine pointe de tout ce que nous vivons. Elle le fut toujours d’ailleurs. Justement hier, elle me disait avoir commandé le dernier livre de mon ami Serge Bouchard. Elle est à relire en ce moment Le Regard infini. Et je la prévenais que mon éditeur, les Éditions du Boréal, le même que Serge, travaillait maintenant à une nouvelle édition de ma Chronologie du Québec, après que je leur eus fourni mes dates à retenir pour la période de 2008 à 2016. C’est là un livre qu’elle suit depuis la première édition en 1991, et je lui ai promis que, dès que j’aurai copie, je sauterai dans ma voiture âgée pour lui apporter.

Pour plus sur Simone, voir ce billet de Normand Provencher. Normand et moi ne sommes pas de mèche, ni parents, sinon d’être deux lurons, lointains petits-fils de notre ancêtre à tous en Amérique, Sébastien.

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