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Une page des événements de 1837-1838 avec Louis Éthier

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En 1893, E. L. Éthier, propriétaire d’une manufacture de billards rue Saint-Denis à Montréal, convoque les journalistes pour fêter le 92e anniversaire de son père Louis. Ces derniers ne manquent pas d’interroger le vieillard sur sa participation à la rébellion de 1837-1838.

Lorsqu’éclatèrent les troubles de 1837, il avait 36 ans et possédait une des plus belles fermes qu’il y eût alors dans la province. Comme la plupart des braves paysans du district de Montréal, il entra avec ardeur dans le mouvement insurrectionnel. Il se mit à la tête d’une compagnie qu’il forma lui-même et s’organisa vigoureusement pour la défense des droits des Canadiens-français.

Des souscriptions furent prélevées chez les cultivateurs des comtés situés au nord de Montréal et, en moins de quinze jours, on avait en main $52 000. C’est grâce à cet argent que M. Éthier put aller acheter à St-Albans, dans le Vermont, des armes et des munitions de guerre. Ce ne fut pas sans de grosses difficultés que ces armes furent transportées au Canada. […]

C’était en automne, par un temps gris et de mauvais augure. Accompagné de quatre ou cinq gaillards aussi décidés que lui-même, il descendait de St-Albans avec un chargement de fusils et de poudre. On fit escale à Rouse’s Point, puis le lendemain on se remit en marche. Il fallait redoubler de prudence, car on allait laisser le territoire américain pour entrer dans les limites du sol canadien.

Les dangers d’être surpris avec une cargaison aussi suspecte étaient par conséquent beaucoup plus grands. À la faveur de la nuit, on réussit à gagner l’Île-aux-Noix et on cacha sous un taillis poudre et fusils. Le lendemain, la compagnie du capitaine Éthier marchait à la bataille de Lacolle, où, avec deux autres corps de troupe de cinquante hommes chacun, elle eut à lutter contre 900 soldats du gouvernement bien disciplinés et bien armés.

La bataille dura cinq heures; mais les patriotes à la fin durent céder; les soldats anglais et les choyens réunis étaient quatre fois plus nombreux qu’eux. Il en fut de même à la bataille d’Odelltown où les forces ennemies étaient encore plus considérables.

Au début de la lutte, le capitaine Éthier, provoqué outre mesure par les rodomontades de l’abbé Rouisse, curé de St-Valentin, et du curé Amyot, des Côtes de Napierville, qui passaient de maison en maison pour faire de la cabale en faveur des tories, s’empara de la personne de ces deux révérends et les fit conduire sous bonne escorte à la prison de Napierville où ils restèrent enfermés jusqu’après les troubles. MM. Amyot et Rouisse ne laissaient pas passer un dimanche sans envoyer en enfer et sans frapper des foudres de l’Église tous ceux qui avaient l’audace et l’inconcevable témérité de n’être point tories et d’avoir des sympathies pour M. Papineau et ses amis. Une fois enfermés dans la prison de Napierville, ils se trouvèrent en compagnie d’une douzaine de choyens qui avaient trahi la cause des patriotes et que l’on avait aussi séquestrés. […]

Après les troubles, M. Éthier dut fuir aux États-Unis pour échapper aux mains des exécuteurs des hautes œuvres du gouverneur général Colborne. Il passa trois années dans l’exil et ne revint au pays qu’en 1841, après l’amnistie. S’il avait persisté à rester sur le sol natal, on l’aurait pendu haut et court […].

Quand il revint à St-Valentin, sa propriété, qui lui avait coûté tant de sueurs et tant de labeurs, était en ruine. Sa maison, sa grange, ses hangars avaient été incendiés pendant les troubles par les bureaucrates. Les pertes qu’il subit alors s’élevèrent à plus de $3000. Ce qui était un chiffre énorme pour l’époque. Ce n’est qu’à force de travail et d’énergie qu’il a pu reconstituer son petit patrimoine et amasser de quoi établir sa nombreuse famille.

 

La Patrie (Montréal), 16 décembre 1893.

Nous avons glissé un mot sur Louis Éthier lors de son décès en août 1897.

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