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Voilà des oiseaux qui prient maintenant… et en chœur

perroquets-multicoloresDépouillant la presse québécoise ancienne, j’ai découvert un journaliste scientifique français, Henri de Parville (1838-1909). Les sujets qu’il aborde ne sont jamais banals. Le voici nous proposant des oiseaux qui prient.

Le vrai n’est pas toujours vraisemblable; nous ne l’avons pas dit le premier. M. Loys Bruyère nous racontait dernièrement une histoire de perroquet que nous voudrions bien croire authentique et qui doit l’être, en effet, puisqu’elle a été dite par une jolie créole de l’Amérique du Sud.

Un soir, cette créole avait été prendre le frais avec ses amis dans un bois voisin de sa demeure. Tout à coup, de tous côtés, on entendit dans les arbres, au milieu des taillis, de près, de loin :

— Ora pro nobis, Domine !

Un silence, et aussitôt d’autres voix répondirent :

— Amen, amen !

On chercha dans toutes les directions. Il n’y avait certainement personne auprès des promeneurs. La créole aperçut, sur une branche, un perroquet qui semblait la contempler ironiquement. Plus loin, un autre perroquet, un troisième perroquet, plusieurs perroquets. Il y avait là, évidemment, le père, la mère et les enfants. Toute une famille; peut-être toute une population de cousins et de parents.

Et, de temps en temps, le silence du bois était troublé par les mêmes paroles :

— Ora pro nobis, Domine !

Puis, comme un écho, d’autres voix répétaient :

— Amen, amen, amen !

Et il y avait beaucoup de voix.

L’aventure était singulière et, sans doute, n’eût-on pas trouvé aisément la clé de l’énigme, quand un perroquet quitta la branche d’un arbre et vint tranquillement se poser sur l’épaule de la jolie créole. Et, dans son oreille rosée, il cria :

— Ora pro nobis, Domine !

 C’était une vieille connaissance : un perroquet privé, qui avait vécu des années dans la maison de la créole.

 Un beau matin de printemps, quand le bois se couvrit de feuilles nouvelles et de parfums, le perroquet sentit le besoin de reconquérir sa liberté et d’aller conter fleurette à ses pareilles Il quitta son perchoir et gagna la forêt natale.

Mais, pendant des années, quand il vivait prisonnier, il avait assisté, chaque soir, à la prière dite en commun à haute voix. En dormant à moitié, il avait beaucoup retenu.

Quand il fut de retour chez lui, dans les bois, à la nuit tombante, il pensa à ses hôtes et se mit comme eux à répéter la prière du soir. Il la répéta si bien que femme et enfants imitèrent le père de famille. Après eux, les voisins, puis les voisins des voisins.

Et le soir, comme dans une forêt enchantée, on n’entend plus maintenant que des prières, la prière des oiseaux :

— Ora pro nobis, Domine ! Amen, amen, amen !

Henri de Parville.

 

Le Monde illustré (Montréal), 16 novembre 1901.

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