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Le lac Saint-Pierre peut être extrêmement dangereux

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Bien sûr, lorsque la tempête se lève, l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent ne donnent pas leur place et il vaut mieux gagner un abri plutôt que d’y naviguer. Mais le lac Saint-Pierre, cette «enflure» du fleuve de Sorel-Berthier à l’ouest et de Nicolet-Trois-Rivières à l’est, longue de 38 kilomètres et large de 10, peut être mortel.

On s’est souvenu longtemps des grandes inondations d’avril 1865 qui firent au moins 28 morts. On se rappela également la nuit du 11 au 12 novembre 1883, terrible. Voici des extraits à ce sujet de la presse de l’époque.

Nous sommes à Sorel d’abord. Nous avons joui d’une température des plus agréables sur la fin de la semaine dernière, et dimanche soir tout semblait présager la continuation du beau temps, lorsque vers minuit il s’éleva un vent d’une violence extrême, accompagné d’une pluie torrentielle. Quelques heures plus tard, la pluie cessait de tomber, mais le vent continuait de souffler, et hier on se serait cru en janvier, tant il faisait froid. Le Sorelois, 13 novembre 1883.

Et lentement la nouvelle d’un malheur sur le lac Saint-Pierre commence à se répandre.

On rapporte que la tempête qui a sévi dans la nuit de dimanche à lundi [du 11 au 12 novembre] a causé plusieurs désastres. Ainsi, on dit qu’un bateau a fait naufrage près de la Pointe du lac, et qu’un homme a péri dans cet accident. Cinq autres bateaux ont également coulé à fond, paraît-il, sur le lac, et plusieurs personnes se sont noyées. Cette dernière nouvelle n’est cependant pas confirmée. Dans la même nuit, il est tombé une bonne couche de neige sur plusieurs points de la province. Le Sorelois, 13 novembre 1883.

Trois jours plus tard.

Terribles désastres. Nous avons, dans notre dernier numéro, dit un mot de la tempête qui a sévi dans la nuit de dimanche à lundi. Au moment de mettre sous presse, nous recevons les terribles détails qui suivent : Un homme nommé Tousignant, sa femme et ses cinq enfants, de Gentilly, traversaient le fleuve en chaloupe pour se rendre à Champlain, où ils devaient s’embarquer pour les États-Unis, lorsque leur embarcation a chaviré; ils se sont tous noyés. Un jeune homme de 18 ans, fils de M. Victor Veuillette, de Ste Geneviève, a été trouvé à la Pointe du Lac, gelé à mort et cramponné à une chaloupe allant à la dérive. La femme et un enfant de M. Gérarsime Montambault, de Batiscan, se sont également noyés dans le lac. Deux MM. St-Jean, de Sorel, les deux frères, ont aussi péri sur le lac. M. William Paul, de Ste Geneviève, et sa fille, sont tombés à l’eau près du port St-François. La jeune fille se cramponna au cou de son père, qui réussit à atteindre la rive après avoir parcouru près d’un mille à la nage. N’ayant pas la force de retirer son enfant de l’eau, M. Paul courut chercher du secours qui ne tarda pas à arriver. On dit que le père et l’enfant sont bien. Le Sorelois, 16 novembre 1883.

Deux bateaux chargés d’effets pour des marchands de Trois-Rivières ont péri à la Pointe du Lac durant la tempête de lundi. Deux employés à leur bord se sont noyés. L’un de ces derniers a été trouvé gelé dans une chaloupe pleine d’eau qui descendait le fleuve à la dérive. Le Sorelois, 16 novembre 1883.

La nuit de dimanche dernier a été remarquable par les sinistres causés par un vent violent qui n’a cessé un instant durant trente longues heures. Le lac St-Pierre était gros de menaces et la nuit fut triste pour les malheureux navigateurs exposés au danger sans espoir de secours. Un bateau qui se trouvait au fort de la tempête en face de la lumière de la Rivière du Loup a perdu son mât, lequel dans sa chute fit ouvrir le bâtiment qui sombra en quelques instants. Le propriétaire du bateau eut juste le temps d’éveiller une de ses filles âgée de 14 ans, et un jeune homme employé à bord, leur enjoignant de sauter dans une embarcation. Pendant ce temps, le père qui était allé chercher une cassette contenant $300, a voulu prendre place dans la chaloupe, mais le jeune homme affaibli par le froid avait lâché prise. Le père jetant aussitôt la cassette se précipita dans l’embarcation, cherche à force rames à gagner la rive nord du lac. À une faible distance du rivage de la Pointe du Lac, la chaloupe sombra, et le père tenant son enfant dans ses bras gagna le rivage, suivi du jeune homme. Les forces lui manquèrent et, une fois sur terre, il abandonna sa fille et courut en toute hâte chercher du secours à l’habitation la plus voisine. L’enfant était presque gelée, et ce n’est qu’à force de soins qu’on a pu la rappeler à la vie. Le pauvre jeune homme, dont la navigateur perdit la trace, a été retrouvé le lendemain sur la grève. Le bateau est entièrement perdu avec les provisions qu’il portait, perte considérable pour ce malheureux navigateur. Nous n’avons pu nous procurer les noms de ces naufragés. On a vu passer plusieurs bateaux désemparés et qui se sont échoués le long du fleuve. M. Évariste Duval donne en ce moment à sa résidence du Port St-François l’hospitalité à la femme d’un naufragé et à son enfant; leur état est des plus critique. La Patrie, 17 novembre 1883, selon le Messager de Nicolet.

La dernière tempête. M. Wilbrod Gingras, de Batiscan, capitaine de la barge Jacques-Cartier, qui était sur le lac St-Pierre dimanche dernier, dit que la tempête de ce jour-là est la plus forte qu’on ait vue sur le lac depuis longtemps. Les rives du lac sont couvertes d’épaves et on déplore plusieurs pertes de vie. Deux navigateurs de Sorel, nommés St-Jean, se sont noyés. La famille Tousignant, de Gentilly, comprenant le père, la mère et cinq enfants, s’est aussi noyée en traversant le fleuve en chaloupe, de Gentilly à Champlain. Un jeune homme de 18 ans, fils de Victor Veillette, de Ste-Geneviève de Batiscan, matelot à bord du chaland le Charles, est une autre victime. On a trouvé en outre le cadavre d’un inconnu dans une chaloupe à la Côte Nicolet. La barge Alabama a été trouvée abandonnée dans le lac et on croit que tout l’équipage a péri. La Patrie, 17 novembre 1883.

Le corps de M. Joseph St-Jean, qui a péri sur le lac pendant la tempête de la semaine dernière, a été apporté ici dimanche soir, et inhumé hier matin. C’est lui que l’on a trouvé dans une chaloupe au port St-François. La chaloupe était remplie de glace, qu’il a fallu briser à coups de hache, pour dégager l’infortuné naufragé. On n’a pas encore trouvé le corps de M. Jean-Baptiste St-Jean, frère de Joseph, qui était à bord du même bateau durant la tempête. Le bateau des victimes a été ramené ici samedi matin. Il n’a souffert aucune avarie, et sa charge consistant en madriers était intacte. Le Sorelois, 20 novembre 1883.

La saison d’automne est toujours féconde en accidents de toutes sortes, surtout pour les navigateurs. Depuis la forte tempête que nous avons eue la semaine dernière, le nombre de cadavres trouvés aux environs du lac St-Pierre est considérable. Il y a quelques jours, on trouvait encore le corps d’un matelot complètement gelé, près du Port St-François. Malgré toutes les recherches faites, il a été impossible de constater l’identité du cadavre; en conséquence, il a été inhumé aux frais de la municipalité. La Patrie (Montréal), 23 novembre 1883.

Voir ces billets sur des faits vécus sur le lac Saint-Pierre ou de simples mentions du lieu.

Sur la rive du fleuve à Port-Saint-François

Sur la rive du fleuve à Port-Saint-François

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