À Montréal, les chiens font l’actualité
Qu’on s’en prenne donc aux chenapans plutôt qu’aux chiens.
Voilà un des éditoriaux du quotidien La Patrie du 6 octobre 1910.
Dans une ville où l’inadéquate surveillance policière laisse la propriété et la vie des gens exposées à de continuels périls, n’est-il pas singulier que deux équipes d’agents soient, des mois durant, exclusivement employées à un travail aussi insignifiant que la destruction des chiens dont la patente est impayée.
On comprend que, puisqu’il existe un règlement qui oblige les propriétaires de chiens à verser une petite somme dans le trésor municipal, il est désirable de prendre des mesures pour que tous les citoyens concernés sans distinction obéissent à cette ordonnance.
Mais ce n’est toujours qu’une matière de très relative importance, quoique, en y affectant une demi-douzaine d’hommes et autant de chevaux, on assume bien une dépense de 80$ par semaine, au moins.
Les chiens, même errants, sont moins malfaisants que les cambrioleurs. Ceux-ci, dissimulés sous les portes cochères, vous guettent, la nuit, pour vous dévaliser; tandis que ceux-là — comme le fait observer judicieusement un confrère — se contentent de faire la guerre aux rats, qui pullulent plus à Montréal que dans toute autre ville du monde.
Qui pourrait dire combien de maladies infectieuses ont été épargnées à notre population, rien que par suite de la destruction des rongeurs par les chiens faméliques ?
Ces rigueurs exercées contre des bêtes en somme inoffensives donnent à penser que les administrateurs de la Ville portent plus d’attention aux petites choses qu’aux grandes, et qu’ils manquent un peu d’ordre et de mesure.
On distribue à la population avec une parcimonie extrême des choses aussi indispensables que l’eau et la lumière; par contre, on dépense libéralement pour capturer et détruire des chiens.
Or, souvent, on supprime par mégarde des bêtes qui, pour leurs maîtres, ont un prix; on en supprime dont la patente a été payée, mais dont la médaille qui fait foi du paiement a été simplement perdue ou volée.
Au fond, cette demi-douzaine d’agents est à grands frais astreinte à une besogne qui justifie mal un déploiement de zèle.
Ne serait-il pas sage de témoigner plus d’indulgence à la race canine, et de pourchasser plus diligemment les cambrioleurs, qui sont une autrement dangereuse engeance ?