Vous êtes de passage ?
Bienvenue chez nous. Nous avons la réputation d’être accueillants, espérons que ça se vérifiera aussi envers vous.
Mais si vous empruntez la route de nos campagnes, il me faut vous dire qu’il y a une manière de se présenter chez quelqu’un.
Si aucun avis ne vous dit de prendre garde au chien, ne vous présentez pas par la porte avant, mais plutôt par la porte latérale ou arrière. Cette coutume, peut-être apportée de France, dure depuis très longtemps.
Voici ce que j’écris à ce sujet dans mon ouvrage Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent :
La porte avant, l’entrée principale, ne sert qu’exceptionnellement. C’est par cette porte qu’on sort le corps des personnes décédées ou qu’entre le curé pour sa visite de paroisse. Le plus souvent, on la condamne en hiver. La porte du bas-côté ou la porte arrière est celle de la vie quotidienne, de l’amitié. Faire entrer un visiteur par la porte de côté ou arrière est le signe d’une hospitalité parfaite. Le nouveau venu, ignorant de ce protocole, qui se sera présenté par la porte avant, sera plus tard invité à repartir par l’autre. S’il fait fi de cette invitation et persiste à vouloir sortir par la porte avant, c’est qu’il aura lui-même voulu établir ses distances et sera jugé comme un simple étranger. Il est vrai cependant que, d’après l’adage, il est de mauvais augure d’entrer par une porte et de sortir par l’autre.
Certaines maisons, par ailleurs, n’ont même pas de portes avant. L’écrivain américain Henry David Thoreau, de passage sur la Côte-de-Beaupré en septembre 1950, le laisse entendre. «Dans une maison près de la frontière ouest de Château-Richer, écrit-il, nous fûmes hébergés pour la nuit. Comme à l’ordinaire, il nous fallut cheminer dans un passage pour parvenir du côté sud de la maison, où se trouvait la porte qu’on ne pouvait voir de la route. Car ces maisons canadiennes n’ont pas de portes de devant proprement dite…La porte du Canadien s’ouvre seulement sur l’arrière-cour et la ferme.»
Quoi qu’il en soit, vous trouverez des lieux où obligatoirement vous devrez vous présenter par le côté ou l’arrière de la maison. Voyez ici l’entrée avant de cette résidence du canton de Nelson.
Pour vous indiquer fortement de vous conformer à cette coutume, on disposera devant la porte avant un objet quelconque, ces citrouilles, par exemple, qui rappellent l’Halloween à la fin du mois, un arbre de Noël ou un bonhomme de neige en saison. J’ai même vu déjà un épouvantail vous barrant le chemin. Impossible alors d’«affronter» ces entrées.
Prenez ça avec le sourire, il ne faut pas s’en surprendre, c’est une des manières de vivre dans les campagnes du Québec.