Skip to content

Qui sommes-nous, selon le géographe français Onésime Reclus (1827-1916). Seconde de trois parties

carte-du-canada-francais

La première partie apparaissait hier sur ce site bien sûr. Poursuivons ce texte de Reclus rédigé en 1885 et publié dans son grand ouvrage de près de 1000 pages, La Terre à vol d’oiseau.

Mais ces hommes et ces femmes étaient de souche rustique et la floraison fut prompte, magnifique, malgré la lourdeur du temps. Québec, Montréal, Frontenac [maintenant Kingston], Détroit, sortirent du sol, et la langue de la patrie pénétra jusqu’aux solitudes des lacs polaires. On l’y parle encore : ni les Indiens, ni les métis Bois-Brûlés ne l’ont oubliée, et les Canadiens-Français qui s’établissent auprès d’eux les aideront à la conserver longtemps ou toujours.

En même temps, on colonisait trop lentement aussi l’Acadie, île et presqu’île à l’embouchure du Saint-Laurent, et des explorateurs partis des Grands Lacs marchaient vers l’ouest jusqu’aux Montagnes du Soleil couchant; vers le sud, d’autres hommes d’aventure reconnaissaient l’Ohio et le Mississippi, fondaient la Fort-Duquesne [aujourd’hui Pittsburg], Saint-Louis, et le long du fleuve aux grandes eaux ils descendaient jusqu’au comptoir français de la Nouvelle-Orléans. Les Anglais ne possédaient, eux, que les côtes brumeuses de la Nouvelle-Angleterre, mais ils avaient eu la sagesse d’y envoyer des centaines de milliers de colons.

L’année 1759 réalisa le vœu de Voltaire, qui avait écrit à M. de Chauvelin, garde des sceaux : «Si j’osais, je prierais à genoux Votre Excellence de délivrer le Canada». Pris entre les Anglais d’Europe et ceux d’Amérique, race froide, avide, haineuse, pharisaïque, les Canadiens, peu secourus par la France, à laquelle n’appartenait plus la mer, perdirent Québec, puis Montréal. Il fallut changer d’allégeance. Des milliers de braves gens étaient morts dans la guerre en défendant à la fois leur ancienne et leur nouvelle patrie, et il ne resta sur le Saint-Laurent que 65 000 Français pour continuer le vieux peuple d’Europe qui avait eu si peu de souci d’eux.

Ces 65 000 Français catholiques se raidirent contre les Anglais protestants et souhaitèrent fermement de n’en point apprendre la langue. Race de paysans et de bûcherons aussi miraculeusement féconde que la «racine d’Abraham», ils ont merveilleusement augmenté. Que faire contre un peuple où il n’est pas rare de voir le curé de la paroisse adopter, suivant la coutume, le vingt-sixième enfant d’une famille ou bénir des noces d’or après cinquante ans de mariage, voire des noces de diamant après soixante ?

En vain l’Angleterre voulut-elle cerner de colonies anglaises, écossaises, irlandaises, yankees, les quelques paroisses qui formaient la nation canadienne-française à son origine. Ces paroisses, en grandissant, firent éclater la ceinture de force.

Puis la source du sang canadien gonfla; devenue fleuve débordant, elle couvrit ou, peu à peu, couvre inexorablement les colonies anglo-saxonnes érigées contre elle.

 

La «Carte du Canada français» apparaît en page 629 de l’écrit de Reclus.

Demain : troisième et dernière partie.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS