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Sur l’art de varier le discours

commencement de cyclone

À chaque été, le climat québécois propose des épisodes d’orages, d’éclairs, de tonnerre, de grands vents, même de grêle. Or, à chaque fois, la population veut savoir ce qui s’est passé ailleurs que dans son abri.

Les journalistes, lorsqu’ils le peuvent, doivent laisser croire que l’événement est unique, ou, tout au moins, varier le discours. Exemple.

Ceux qui se plaignaient d’étouffer, de manquer d’air, ont eu hier l’occasion de refouler leur plainte plus profondément qu’ils ne l’auraient peut-être voulu. Le commencement de cyclone qui nous a caressé, hier, a même effrayé un grand nombre de gens, pour ne pas tenir compte de l’effarement des bêtes et notamment des chevaux qui jugèrent à propos de prendre le mors aux dents au premier envol des enseignes et des volets de la rue St-Jacques.

Ce que ça volait : les chapeaux voltigeaient comme de vulgaires oiseaux, le linge espérant sécher sur les cordes n’est pas complètement revenu de son expédition super-lunaire. Et les arbres, les clôtures ! Devant le Château de Ramsay, au Champ de Mars, à l’île Ste-Hélène, au parc Lafontaine, rue Saint-Denis, rue Cherrier, rue Esplanade, rue Mont St-Charles, des arbres superbes ont été abattus, des peupliers rasés, des ormes, des érables.

Les clôtures du Montreal Baseball Park, des nouveaux édifices de la banque de Montréal, des maisons en construction à ‘angle des rues Sherbrooke et Saint-Hypolite, les baignoires de l’île Ste-Hélène; les hangars des compagnies de navigation, les auvents de l’hôtel Viger, la clôture des Pères du St-Sacrement ont éprouvé des dommages sérieux.

À St-Henri, le vent a brisé des poteaux supportant des fils électriques et, durant le plus fort de la tourmente, les pompiers ont été appelés pour combattre un incendie. Heureusement que ce n’était qu’un feu de cheminée.

On rapporte peu d’accidents de personnes.

Deux femmes qui traversaient du Palais de Justice à l’Hôtel-de-Ville ont été surprises par la tempête, et l’une d’elles a été renversée sur le sol, privée de connaissance.

 Plusieurs personnes ont été aussi renversées mais ont pu se relever avec tous leurs membres. […]

L’anémomètre — pour ceux qui ne sont pas bacheliers — est un instrument qui enregistre la célérité du vent. Nous nous sommes présentés ce matin chez le directeur de l’observatoire de l’hôtel de ville, M. Beaulieu, qui a eu le regret de nous dire que l’anémomètre municipal avait été emporté par le vent…. Allez vous fier aux instruments de précision !

On a retrouvé l’instrument déserteur qui attestait déjà que le début du vent avait été de 75 milles à l’heure. Le vent a certainement atteint une plus grande vitesse.

Dès après le passage du coup de vent, la température a baissé de 16 degrés. Hier soir, il ne faisait pas du tout chaud. L’on nous promet quelques jours de frais.

 

La Patrie (Montréal), 16 juillet 1902.

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