La venue d’un cirque qui passera à l’histoire
Comme nous l’avait fait présager la grande procession d’hier matin, le cirque de [Phineas Taylor] Barnum [1810-1891] est bien la meilleure, la plus curieuse et la plus belle organisation du genre qui soit encore venue à Montréal.
Jamais il n’a été possible de voir ici une ménagerie plus considérable et plus complète, un musée de curiosités aussi remarquable, un hippodrome aussi grand.
La ménagerie contient les animaux les plus rares, comme le lion de mer, l’ours des mers polaires, l’orang outang, l’hippopotame, le rhinocéros, la hyène, le cheval à cornes, le bœuf sacré, le kangarou, sans compter les énormes lions, les tigres, les léopards, les panthères, le porc épic, les antelopes, les oiseaux à plumage et autres petits animaux.
L’énorme Jumbo, qui n’a pas paradé dans les rues, occupe la place principale.
La première représentation du cirque hier après-midi a eu un succès immense. À 2 hrs 5 min, on fermait les portes, la grande tente renfermant déjà mille personnes de plus qu’elle ne devait contenir, c’est-à-dire 21,000 personnes.
M. Barnum assistait à cette représentation. Conversant avec notre reporter, il dit qu’il ne demandait pas à la presse de lui faire de la réclame, mais simplement de dire la vérité.
— Voyez-vous, ajoutait-il, cette troupe de sauvages qui arrivent ? Il y a six semaines, ces peaux rouges n’avaient pas encore vu une locomotive ou un bateau à vapeur.
— Quel âge, avez-vous maintenant, M. Barnum ? demanda un voisin.
— Soixante-treize ans, messieurs, répondit-il. Tout ce que mes employés me demandent maintenant, c’est de vivre encore longtemps. Je leur réponds que j’essaierai de les satisfaire.
M. Barnum monta ensuite sur l’estrade pour remercier la foule de son encouragement.
On exhibe dans la tente du cirque à peu près toutes les curiosités qu’il soit possible de voir au théâtre, et dans cinquante musées, sans compter les tours de force ordinaires exécutés dans les arènes.
Les chevaux et les éléphants sont admirablement dressés. Les jeux se font dans deux arènes et sur un théâtre à la fois.
La partie la plus remarquable du cirque est sans contredit les courses à cheval et en charriots romains, qui excitent l’intérêt au plus haut point.
M. Barnum donne des prix en argent aux vainqueurs afin d’engager les concurrents à lutter avec plus de vigueur.
Hier soir, on n’a ouvert les portes que juste le temps de laisser remplir les tentes. Il était à peine sept heures qu’on le renfermait à nouveau. Environ 5,000 personnes n’ont pu entrer.
Qu’on se rende de bonne heure aux représentations d’aujourd’hui.
Les dépenses du cirque de Barnum s’élèvent à environ $5,500 par jour.
La Patrie (Montréal), 17 juillet 1883
L’image accompagnant ce billet apparaît sur le livret du disque audionumérique de Bert Jansch publié en 1995, When The Circus Comes To Town (Cooking Vinyl, TSND 0098). Né à Glasgow, en Écosse, en 1943, fondateur du groupe Pentangle durant les années 1960, avec John Renbourn, Jacqui McShee, Danny Thompson et Terry Cox, Jansch est cet immense compositeur et chanteur folk, que le Guardian, de Londres, a qualifié un jour d’un des plus influents musiciens de tous les temps.