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Chère Mollie Heymonson

recherche de ses parents

À New-York, dans East Side, les passants s’arrêtaient, émus et charmés, autour d’une petite fille qui jouait du violon.

Elle faisait chanter admirablement les cordes, et pourtant son attitude d’attente, l’interrogation de ses grands yeux, ses lèvres entr’ouvertes, tout révélait qu’elle mettait dans la passion de son art autre chose que l’instinct de l’harmonie.

Comme elle paraissait indifférente à sa récolte de pièces blanches — pourtant abondante et nécessaire à la subsistance de sa mère, une veuve de Madison Street ! On s’informa de l’étrange musicienne qui se faisait entendre seulement la nuit.

Voici ce qu’elle finit par expliquer :

«On ne me comprend pas. Certes, l’on me jette des sous. Mais ce n’est pas pour cela que mon violon pleure et appelle. Les sous, je les rapporte à maman, puisqu’elle m’a dit que, sans cela, elle mourrait de faim ou serait jetée à la rue. Quand même je continue de jouer, et vous ne me comprenez pas.

«Car j’appelle papa et ma sœur Flora qui s’en sont allés.

«Ils connaissent bien la voix de mon violon, et ils finiront par l’entendre, et ils reviendront chez nous.

«D’ailleurs, les passants vont savoir que je suis la fille de Heymonson. Vous savez bien Heymonson qui est parti à Boston ? et ils sauront m’indiquer la bonne route pour le chercher.

«Quand il est parti, que maman pleurait et pleurait, que pouvait faire un bébé comme j’étais alors ? Je cherchais, et je ne trouvais rien.

«Ma sœur Flora, elle, du moins, partait et regardait dans la rue, pour guetter papa.

«Une nuit, elle non plus n’est pas revenue, et maman s’est remise à pleurer, pleurer.

Et secouant la tête, Mollie Heymonson ajoute :

«Oui, je retrouverai papa et Flora, et je les ramènerai vers maman. Car il ne se peut pas qu’ils n’entendent pas mon violon quand il pleure.»

Délicieuse confiance, n’est-ce pas ? qui rappelle la fameuse ballade de Wordsworth intitulée «Les Sept Jeunes Âmes», ballade où le grand poète anglais conte l’histoire d’une fillette entêtée à se croire toujours la dernière de sept sœurs, «qu’on ne voit pas, parce qu’elles restent à jouer sous le cimetière».

 

La Patrie (Montréal), 7 juillet 1908.

la petite violoniste

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