Le si vieux rêve
Dépouiller la presse québécoise ancienne fait soudain sursauter, surgir des moments étonnants, heureux. Rêvons-nous ? En 1895 : un article intitulé «Communications interplanétaires» !
Le si vieux rêve ! Correspondre enfin avec des habitants d’une autre planète.
Une riche Française, Mme Guzman, a légué à l’Académie des Sciences de son pays la somme de 100,000 francs. Cette somme devra être donnée à l’être fortuné qui, le premier, réussira à correspondre avec une planète.
Il est fort probable que le legs de Mme Guzman restera longtemps dans la caisse de l’Académie des Sciences, si l’on en croit les savants.
Dans «La Nature», M. [Eugène] Guillemin [1823-1893] exprime son opinion à ce sujet. Il dit d’abord qu’il serait absurde de songer à entrer en communication avec plus de deux planètes : la lune et Mars. Mais il n’y a ni air ni eau sur la lune et M. Guillemin est, par cela même, autorisé à croire qu’aucune créature ayant quelque ressemblance avec les hommes ne pourrait vivre sur cette planète. Par conséquent, il ne peut être question de la lune.
Si l’on se tourne du côté de Mars, on rencontre d’autres difficultés.
Dans ses positions les plus favorables, cette planète se trouve encore à 42,000,000 milles de la terre. Selon [Giovanni Virginio] Schiaparelli [1835-1910], le plus petit objet visible à sa surface devrait avoir un diamètre égale à la cinquantième partie de la planète, ou quatre-vingt-cinq milles environ.
Ces dimensions pourraient être quelque peu réduites si l’on se servait d’un puissant télescope; mais, même dans ces conditions, un signal, peut-être aperçu de la terre, devrait avoir d’énormes dimensions.
Cela est déjà assez décourageant; mais il y a des circonstances plus graves encore.
La terre, durant toutes les oppositions de Mars, est en conjonction avec cette planète. Elle est perdue dans les rayons du soleil, est invisible pour Mars, excepté quand elle passe sur le disque du soleil. Alors elle ressemble à un petit point noir sur lequel les habitants de Mars, si toutefois il en existait, ne pourraient rien découvrir.
Aux quadratures, la terre et Mars seraient mieux situées; mais la distance qui les séparerait serait plus grande.
M. Guillemin croit que l’astronomie fera encore de grands progrès mais il ne croit pas que le progrès soit illimité.
En résumé, il considère comme une chimère la communication interplanétaire.
La Patrie (Montréal), 23 avril 1895.
Contribution à une histoire québécoise du ciel, dans la catégorie «Ce qu’offraient les médias québécois à son public lecteur». Un jour, on s’y mettra.
L’illustration de la plaque de Pioneer X envoyée dans l’au-delà dans l’espoir qu’elle soit reçue quelque part apparaît sur la page Wikipédia consacrée à cette sonde spatiale lancée le 3 mars 1972. Eric Burgess, Carl Sagan et son épouse Linda Salzman Sagan ont conçu cette plaque destinée à un hypothétique représentant d’une intelligence extra-terrestre rencontrée en chemin.