Fleurir les tombes au printemps
Il y a un peu plus de 100 ans, quelques grands journaux québécois ont des correspondants à Paris, qui y vont d’un billet une fois la semaine. On y apprend quelques détails de la vie parisienne et on peut comparer notre vécu à celui des habitants de la grande ville de France.
En 1884, pour le journal Le Canadien, le journaliste et linguiste d’origine maskoutaine, Sylva Clapin, nous entretient de ce qui se passe là-bas. Voyez, par exemple, cette activité dont il est impossible de trouver trace au Québec à ce temps de l’année.
La Semaine Sainte débute en France par une bien touchante cérémonie : celle de la décoration des tombes, dans les cimetières, le jour des Rameaux, aussi appelé Pâques fleuries.
Ce jour-là, l’on apporte à ses chers morts les primeurs des jardins. Violettes, primevères, lilas, tout est jeté pêle-mêle, à pleines corbeilles, au pied des marbres funéraires. Le Campo Santo perd un moment son aspect habituel d’impossible désolation.
Là-haut dans les cyprès, sur les branches des sycomores, des oiseaux acclament les visiteurs et chantent de leurs trilles retentissants la venue du printemps. Chose étrange, néanmoins, l’on sort de là plus recueilli qu’à la date du grand pèlerinage annuel, le 2 novembre.
C’est que le contraste, quoiqu’on fasse, est toujours si poignant entre ce renouveau de la nature en avril, et la pensée que des êtres chers, jadis tendrement aimés, dorment là, à tout jamais, dans les ténèbres du sépulcre, loin de tout ce qui, ici bas, nous charme et nous émeut……..
Le Canadien (Québec), 26 avril 1884.
Pour tout dire, le Québec ne connaît jamais un avril de violettes, de primevères et de lilas. Au mieux, si ce mois s’y prêtait, nous ne pourrions apporter qu’une poignée de crocus pour fleurir nos tombes.
On peut retrouver cette pleureuse magnifique, à qui quelqu’un a donné quelques fleurs, dans le cimetière de Neuville, à 35 kilomètres à l’ouest de Québec.