Les Amérindiens nous ont appris la raquette
Et elle nous fut tellement utile. Parler de la raquette aujourd’hui fait folklo. Quoiqu’il s’en trouve maintenant des modernes, et non de babiche. Elle m’apparaît constamment dans mes journaux d’hier.
Peut-être qu’il faudra un jour imaginer un compilation, un ouvrage, majeur, sur la raquette, nous apprenant ses grands moments, et ses diverses «couleurs». La reconnaissant comme étant nôtre.
Il m’arrive de croire qu’il nous faut maintenant renouveler le discours sur ce qui nous fut précieux, sur ce qui nous vient d’une transmission, d’un patrimoine. Le nommer, l’éclairer, de manière attrayante, à nos yeux d’aujourd’hui. Pour ne pas l’échapper. Et en prévenir nos enfants.
La raquette fut occasion de réjouissances à travers les clubs que nous avions imaginés à la fin du 19e siècle. Mais, par delà cela, il y a tant de moments dans notre histoire où, c’est bête vous me direz peut-être, on aurait eu peine à traverser nos hivers sans elle.
Voici ici le poète Louis Fréchette, qui se lance, adressant son propos au club de raquettes montréalais Le Canadien. C’est certain, moment de réjouissance.
Quand l’hiver en robe blanche
Vient, dans nos cantons,
À nos toits et sur la branche
Broder ses festons;
Quand, sous les froides haleines,
Le frimas étend
Sous les bois et sur nos plaines
Son voile éclatant;
Quand la neige s’amoncelle
Au creux des valons,
Et que le givre étincelle
Sur les mamelons;
Quand plane sur la montagne
Le froid boréal,
Si l’ennui qui l’accompagne,
Entre à Montréal.
Nous, que la gaité commande
De fuir le repos,
Partons en légère bande
Comme des oiseaux.
Sans frein et sans étiquette,
Nous nous élançons,
Ayant aux pieds la raquette,
Au cœur les chansons.
De joyeux moments en quête,
Par monts et par vaux,
Nous allons à la conquête
D’horizons nouveaux.
Nous allons par la vallée,
En battant des mains,
Sur la neige immaculée
Ouvrir des chemins.
Nous allons; et, d’un pied leste
Trottinant partout,
Ravin, gorge ou lande agreste,
Nous franchissons tout.
Nous passons les fondrières
Et les ponts tremblants,
Les côteaux et les clairières,
Les bosquets tout blancs.
Et quand le décor qui change
Découvre à nos yeux
Quelque paysage étrange
Et tout radieux.
Devant la belle nature,
Charme souverain,
Notre course à l’aventure
S’arrête soudain.
Et, devant l’âpre merveille,
— Eh bien, oui, pardieu !
Quelque chose à notre oreille
Parle du bon Dieu !
Louis Fréchette,
Montréal, 25 janvier 1882.
La Patrie (Montréal), 1er mars 1882.
La gravure provient de l’ouvrage d’Eugène Guénin, La Nouvelle-France, Paris, Hachette, 1900.
P. S. Même l’ancêtre de tous les Provencher d’Amérique, Sébastien, possédait une paires de raquettes.
Une randonnée en¨raquettes » traditionnelles en frêne et¨ babiche » ,quelle belle activité qui nous rapproche de nos ancêtres !
Le patrimoine ! Le patrimoine ! Vous avez bien raison, Monsieur Desmeules !