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À Victoriaville, début février, un quidam a l’âme à l’errance

Paysage, maison, ciel rose, soir

Il décide de coucher sur papier ses humeurs du moment, qu’il intitule «Pensées errantes», et de les proposer à son hebdo local. Voici, pour la nuit tombée.

Lorsque durant l’automne, au temps où les arbres n’ont plus de feuilles, et que des cieux gris tombent tranquillement sur la terre, une première couche de neige, lorsque l’automne est arrivé et que la nature entière exhale la poésie, que des chaumières s’échappent de longues traînées de fumée blanchâtre, qui monte vers les cieux, et que sur les toits grince sur ses gonds rouillés la vieille girouette en indiquant la direction des vents froids, ne trouvez-vous pas la terre aimable et rêveuse ?

Et comme elle, chers lecteurs et lectrices, n’avez-vous pas durant la période d’un jour certains moments que vous préférez, où vous êtes plus gais, plus heureux ou plus tristes que d’habitude ? Et ces heures bénies, ne les entendez-vous pas avec anxiété ? N’éprouvez-vous pas un tressaillement de joie lorsqu’un vieux cadran, au timbre argentin, les sonne tranquillement ?

 Oh ! ces heures de rêves, ces heures où l’on revit de souvenirs, ces heures où l’on gouverne le monde, où notre âme entière s’envole dans un tourbillon de fumée, ces heures où on laisse le vulgaire réel pour le pays de l’idéal, comme je les aime et les caresses lorsqu’elles apparaissent.

Moi j’aime ce joyeux instant qui vient à la suite d’un souper, quand, après une longue soirée de travail et un bon repas, je fais la paresse, à demi-couché sur un divan et dégustant une cigarette qui remplit ma chambre de fumée. Je suis d’abord des yeux ces tourbillons de fumée opaque qui sortent de mes lèvres et qui s’agrandissent à mesure qu’ils s’élèvent.

Ces nuages qui se promènent tranquillement dans l’air, changeant de forme à tout instant, sont bien les rêves de l’homme, un rien les déchire, le peu de vent que fait une mouche en voltigeant les fait changer de direction, tel un hasard change le cours d’une existence.

Arthur Alain.

L’Écho des Bois-Francs (Victoriaville), 8 février 1902.

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