Les chansons de la toute petite enfance

Étant très jeune, est-ce qu’on vous a chanté des chansons ? Je l’espère pour vous. À mes yeux, elles marquent pour la vie. Tous les autres chants reposeront sur ces premiers.

Un certain Gaston Delorthe réfléchit à ces chansons dans La Patrie du 24 janvier 1903.

Écouter en soi les chansons que nos mères nous chantaient pour nous endormir quand nous étions tout petits, je ne sais rien d’aussi suave ni d’aussi mélodieux.

Il y a plus de lumière dans ces chants de femme que dans tout ce qui tomberait des lèvres des savants, parce qu’il y a plus de vie et d’amour, et nous aimons à les entendre redire, parce qu’en plus du resouvenir de nos mères, nous y retrouvons encore un lambeau flottant de l’âme de la patrie absente.

C’est ce qui explique peut-être le goût intense et permanent du paysan de la Suisse pour son «Ranz des vaches», du Canadien pour sa «Claire Fontaine», du Normand pour son «Dors mon p‘tit poussin».

De ressusciter ces mélodies d’antan c’est ce qui a fait le succès de Thomas Moore en Irlande comme c’est ce qui advient encore aujourd’hui au barde Théodore Botrel. […]

Peuples et individus, nous avons en nous une indéracinable affection pour les choses de notre berceau, peut-être parce qu’elles sont les plus pures, peut-être parce qu’elles sont les plus impossibles à retrouver et à ressaisir.

* * *

À Éric, mon grand ami suisse, j’écris : Bien sûr que j’ai pensé à toi en écrivant ce billet, on a dû te bercer avec ce Ranz des vaches. Et il me répond : En fait, c’est génétiquement helvétique. Chaque fois que je l’entends en patois  fribourgeois, ça vient me chercher et l’émotion appelle quelques larmes nostalgiques. Plus fort que l’hymne national, qui, dans ce genre, est déjà plutôt pas mal…

Et il rajoute : En complément, voici ce qui m’a fait brailler comme un veau il y a quelques minutes. La petite histoire qui va avec la vidéo est intéressante. Et il rajoute cette vidéo d’une dizaine de minutes :

http://www.rts.ch/archives/tv/divers/fete-des-vignerons/3435118-le-ranz-des-vaches.html

Merci beaucoup, cher Éric. Pure découverte que cette beauté pour moi ! Absolument émouvante ! Grand coup d’émotion !

L’illustration de la chanson «Ferme tes jolis yeux» apparaît sur la page consacrée à l’abbé Charles-Émile Gadbois sur le site Du temps des cerises aux feuilles mortes.