Les constats venus du passage de la foudre sont incroyables
Arriverons-nous un jour à harnacher la foudre ? Il est permis d’en douter, sa puissance est trop grande, elle ferait éclater en un rien tout échafaudage, consacrant à ce moment que nous sommes bien des apprentis sorciers.
Et elle demeure aussi mystérieuse qu’il y a plus de cent ans. Voyez. Le vulgarisateur scientifique français Camille Flammarion s’y attarde dans ce billet publié par Le Bulletin (Montréal), le 2 décembre 1906. Extraits.
Aujourd’hui encore, l’éclatante lumière de l’éclair s’enveloppe pour nous dans les ténèbres d’un impénétrable mystère. Mais nous sentons qu’il y a là une puissance incommensurable, une force inimaginable qui nous domine. […]
Ici, il [le subtil fluide] tue un homme, sans laisser aucune trace de son passage. Là, il s’attaque seulement aux vêtements et s’insinue jusqu’à la peau sans même l’effleurer. Il brûlera la doublure d’un vêtement et respectera la doublure extérieure. Ailleurs, il profite du trouble causé par l’éblouissement de l’éclair pour déshabiller entièrement une personne et la laisser nue, inanimée, mais sans lui faire la moindre blessure extérieure, pas même une égratignure. […]
Dans la majorité des cas, l’énergie électrique produit des brûlures plus ou moins profondes. Celles-ci, lorsqu’elles n’attaquent pas l’organisme tout entier, sont localisées sur telles parties du corps. Parfois, elles sont toute superficielles et ne s’attaquent qu’à l’épiderme. […]
Quelquefois, la foudre perfore la chair et les os, et les lésions qu’elle occasionne sont comparables à celles des armes à feu. Elle peut provoquer aussi la paralysie partielle ou totale, la perte de la parole ou de la vue, momentanée ou définitive. Son action est multiple sur l’organisme humain….. […]
Très souvent, le corps et les vêtements des foudroyés dégagent une odeur nauséabonde, généralement comparée à celle du souffre enflammé.
Un des effets les plus fréquents et des plus bénins de la foudre sur l’homme, c’est de lui raser les cheveux ou la barbe, de les griller, et même d’épiler le corps entier. En général, la victime s’en tire à très bon compte; elle laisse en otage à la foudre une poignée de cheveux et en est quitte pour la peur. […] Dans la plupart des cas, les cheveux repoussent; mais parfois, cependant, le système pileux est complètement détruit, et la victime doit recourir à un habile perruquier si elle ne veut paraître chauve pour le reste de ses jours.
En général, les foudroyés tombent instantanément et sans se débattre.
Il est démontré aujourd’hui par un grand nombre d’observations, que l’homme atteint par l’éclair de manière à perdre, à l’instant même, connaissance, tombe sans avoir rien vu, rien entendu, rien senti. Cela s’explique facilement, puisque l’électricité est animée d’un mouvement aussi rapide que la lumière, et beaucoup plus rapide que le son. L’œil et l’oreille sont paralysés avant que l’éclair et le tonnerre aient pu faire impression sur eux, de sorte que, quand les foudroyés reprennent connaissance, ils ne peuvent s’expliquer l’accident dont ils ont été victimes. […]
Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire, dans la foudre, c’est sa variété d’action. Pourquoi ne tue-t-elle pas invariablement ceux qu’elle frappe, et pourquoi même, fort souvent, ne les blesse-t-elle pas du tout ?
La foudre exerce aussi, parfois, — très rarement d’ailleurs — une influence bienfaisante sur les malades qu’elle frappe. […]
La thérapeutique fait déjà un excellent usage de l’électricité des machines. Ne nous étonnons pas trop que la foudre rivalise avec nos faibles ressources électriques. Combien de services ne rendrait-elle pas sans sa folle indépendance ? Que de forces perdues dans la lueur d’un éclair !
Actuellement, nous n’avons aucune dette de reconnaissance à acquitter envers la foudre. Que de désastres et de misères pour quelques heureux résultats ! La balance est vraiment trop inégale.
Camille Flammarion.
L’illustration provient du site français Quest Machine, la page sur l’histoire de la découverte de l’électricité.